Il est des chansons que l’on écoute, comme ça, d’une oreille tellement distraite qu’on les entends à peine. D’autres qui vont vous interpeller un moment, auxquelles nous accorderont un peu d’attention, juste ce qu’il faut pour comprendre, au moins, le refrain. Il y aura, ensuite, ces chansons qui nous plaisent particulièrement et que nous auront plaisir à écouter et écouter encore, au moins pour un temps. Qu’elles s’adressent à nous à travers leurs paroles qui nous « parlent », ou leurs mélodies, leur riff, leur rythme, ces chansons résonnent en nous et s’impriment dans notre cœur de mélomane. Enfin, il y a ces chansons qui vont s’adresser directement à notre âme, sans qu’on comprenne vraiment pourquoi et qui vont atteindre au fond de nous quelque chose de tellement enfoui, tellement personnel, tellement intime, que même nous, ne pouvons totalement comprendre pourquoi on se retrouve ému, secoué, bouleversé.
Cette chanson, c’est Gerard Lenorman qui l’a chanté. Je l’ai découverte par une fin d’après-midi, dans la pénombre de ma chambre d’adolescente solitaire. Je ne sais plus comment j’étais entrée en possession de cet album « quelque chose et moi ». Je ne sais plus, je vous l’assure. Je ne sais plus comment j’avais découvert sa voix si particulière, en l’écoutant à la radio sans doute. Tout ce dont je me souviens, c’est de cet instant hors du temps, hors de moi, hors de tout… Et de ces paroles…
Et je n'attends rien
Ni des dieux ni des rois
Quelque chose et moi
Quelque chose et moi
Comme un prisonnier s'émerveille
A regarder vivre une fourmi
J'ai recu de bonnes nouvelles
Il parait que ca va bien la vie
J'ai envie d'ouvrir la fenetre
Pour me voir passer dans la rue
Savoir si j'ai changé de tete
Revoir ce que je ne suis plus
la la la la....
Et je n'étais plus seul au monde
Et je n'ai plus peur ni froid
La nuit ne sera plus très longue
Oui, je sais que tu existeras
Il était un soir
Il était une fois
Et l’émotion, cette émotion inexplicable. Et ces larmes que je n’ai pu retenir. Ce sentiment confus, étrange, indescriptible, indéfinissable…
De fait, moi, qui avait été embrigadée dans une secte et qui n’avait réussi à m’en sortir que peu de temps auparavant, je n’attendais plus rien ni des dieux, ni des rois, ni de personne, en fait. Oui, moi, l’adolescente solitaire que tout le monde trouvait au mieux bizarre et que personne ne cherchait à fréquenter, je me sentais prisonnière. Prisonnière d’une vie que je ne contrôlais pas, à vivre au milieu de gens qui ne me comprenaient pas. Et oui, j’avais terriblement besoin d’entendre quelqu’un me dire que, malgré tout «ça va bien la vie ».
Et enfin, oui, j’avais envie d’ouvrir ma fenêtre, de me voir passer dans la rue et découvrir ainsi que j’avais changé. Je voulais croire de tout mon cœur, de toute mon âme, de tout mon esprit que changer était possible. Que je pouvais être autre. Que ma vie pouvait l’être.
Et cet émotion que j’ai éprouvé ce jour-là a été tellement intense, tellement profonde que, encore aujourd’hui, je ne peux pas entendre ne serait-ce que les premières notes de cette chanson sans fondre en larme.