@lissilma et @ tous les lecteurs qui passent par là.
Arthur se rappelle combien il soupirait avant. Dans le livre qu'il lisait à l'époque : " trouver enfin l'amour ",
il était écrit en tête de chaque chapitre, comme un mantra régulièrement martelé pour mieux pénétrer les consciences :
" soyez le réalisateur du film de votre vie ! ". Facile à dire !
Oui, utopiquement facile, quand l'acteur principal est sans arrêt victime de pellicules trop voyantes,
l'empêchant de porter veste noire sur chemise blanche, ce qui indéniablement donne noble prestance et de là, belle assurance.
En outre, du plus loin qu'il se souvienne, il avait aussi toujours été trahi par ses émotions,
rougissant autant qu'une écrevisse plongée dans un court-bouillon.
Cette métaphore lui allait bien, tiens ! Parce qu'à propos de bouillon, il en prenait un pratiquement tout le temps
quand il tentait de séduire l'une ou l'autre réprésentante de la gent féminine.
Et quand une gentille demoiselle, touchée par sa " beauté intérieure ", acceptait de partager avec lui même toit et même lit,
l'aventure se terminait rapidement sur une triste péripétie, d'apparence imprévisible, mais d'apparence seulement.
Car bien des prémices laissaient pourtant deviner la chute de l'histoire :
l'envol de sa colombe vers d'autres cieux plus attrayants.
Lui se sentait alors aussi ridicule qu'un pigeon cherchant maigre pitance sur un macadam trop gris.
Et ce fut au plus profond de son désespoir, au fin fond de sa nuit la plus noire, qu'il entendit une petite voix en lui,
mais était-il possible que ce soit la sienne tant il se sentait aussi vide que le néant, qui lui dit :
" puisque tu ne vaux pas mieux, penses-tu, qu'un ver de terre, aussi invisible et solitaire,
dans cette cruelle société où le paraître compte plus que l'être, dont le terreau épuise
tes maigres forces et ne t'offre que pauvres ressources, voilà ce que tu vas faire :
une retraite spirituelle dans un monastère du mont Athos, dans cette Grèce aux doux parfums
qui ne peut qu'enchanter les âmes, même celles blessées par la vie mais aussi consoler les coeurs les plus meurtis ".
Et c'est ainsi qu'au lieu d'y rester, comme prévu, une quinzaine de jours, il s'y établit durablement,
étant entre-temps devenu moine profès.
" Les matins difficiles " de Gaëtan Roussel