Un dimanche pas comme les autres.
Audun, vous vous rappelez ? Le troll qui habite dans la forêt de sapins qui surplombe les tremplins de Lillehammer...
Audun, donc, est en voyage d'études en France.
Les frontières n'existent pas dans le monde des légendes.
Et ne croyez pas que les lutins vivent sur leurs acquis, ils sont très curieux. Surtout curieux de légendes lointaines. Et quoi de plus motivant que d'assister, en ce dimanche, à l'assemblée annuelle des korrigans dans la forêt de Paimpont ?
S'y retrouvent des ozegans, des poulpiquets, des kérions, des kormandons et autres peuplades de tout l'ouest de ce pays.
Azral, le plus âgé des korrigans, venu de Tréhoranteuc, raconte la légende de Gwenlig et Maêllig :
*"Nés tous deux le matin de Lugnasad, ils avaient grandi auprès de parents bienveillants. Les deux frères étaient aussi différents qu'il est possible de l'être chez les korrigans. Gwenlig était paresseux et moqueur, tandis que Maêllig était serviable et délicat.
Un matin, avant le lever du jour, tous deux assis sur un rocher au bord de la route, arrive une grand-mère toute voutée, qui avançait à l'aide d'une canne biscornue.
- regarde, Maëllig ! une horrible petite vieille toute bossue vient vers nous !
- Sois gentil, Gwenlig, ne parle pas comme ça ! allons lui demander si elle a besoin d'aide; son baluchon me parait trop lourd pour elle.
- On perdrait notre temps ! et puis, le jour va se lever, il est temps pour nous d'aller nous coucher.
- Tu dormiras plus longtemps ce soir, Gwenlig, allons la voir.
(Vous vous rappelez ? les korrigans vivent la nuit).
La conversation s'engage et la vieille dame leur explique qu'elle est voyante et que son don, bien réel, ne peut servir que pour les autres, pas pour elle. Or elle ignore si elle sera à l'heure au château du domaine voisin, où elle a été conviée pour dire la bonne aventure.
- Oh, mais vous avez encore beaucoup de route à faire, c'est très loin d'ici ! Mais, nous aussi, nous avons des pouvoirs, grand-mère, et nous pouvons vous aider. Nous avons également de talentueux menuisiers qui peuvent vous fabriquer une cariole. On y attèlera un cerf et vous pourrez ainsi rejoindre le château très rapidement.
- vous êtes bien petits pour me promettre de telles choses, dit la grand-mère !
- C'est grâce à nos dons que nous arriverons, n'ayez crainte ! Nous pouvons travailler dix fois plus vite que les humains.
Pendant cet échange, Gwenlig, grognait, boudait et se frottait les yeux.
- Allez, gwenlig, va prévenir les ouvriers à l'atelier, ils ont du pain sur la planche.
- non, vas-y, toi, je suis fatigué, je veux aller me coucher. et puis j'ai mal aux pieds.
- Bon, tant pis, je vais me débrouiller. Grand-mère, venez avec moi jusqu'à l'atelier.
Gwenlig partit se coucher, et nous retrouvons Maëllig qui installe la grand-mère sur la cariole. Son baluchon est fixé solidement.
- Vous voilà sur le départ, faites une bonne route, dit le petit korrigan.
- Mon cher Maëllig, je ne sais comment vous remercier tous, pour cette aide inespérée. Merci à vous, menuisiers talentueux, merci à toi pour ton bon coeur.
Mais j'ai oublié de te dire une chose... Je possède un autre don : celui
d'exaucer un voeu.
- oh, grand-mère, je ne sais pas quoi vous dire. Je n'ai besoin de rien.
Dépêchez-vous de partir pour votre rendez-vous, et repassez nous voir au retour.
- Je suis d'accord, alors à ce soir, au même endroit.
La journée passe, Maëllig et gwenlig arrivent au rocher, sur le bord de la route. Mais quelle surprise !
La cariole attelée au cerf est bien là, mais personne aux alentours.
En approchant de l'animal, Gwenlig voit un ruban qui flotte au vent. Il le détache. Il y a des inscriptions.
- Tiens, Maêllig, tu sais que, moi, je ne sais pas lire...
- A qui la faute, Gwenlig ? tu ne veux jamais faire d'effort...
Et Maêllig déchiffre le message à voix haute :
" Je suis arrivée à temps pour le rendez-vous au château, et c'est grâce à toi, Maêllig. Mille mercis. Pour te récompenser, je t'accorde le pouvoir de porter bonheur à toute personne que tu croiseras".
Tout l'auditoire applaudit Azral !
Audun est satisfait : cette légende ajoutée à celles recueillies ces derniers temps fera la joie des trolls de Lillehammer à la veillée cet hiver.