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Covid-19 : Valneva, ce vaccin français qui a… filé à l’anglaise
Par Margot Brunet Publié le 09/08/2021 à 6:00
Marianne
Le vaccin anti-Covid produit par la société franco-autrichienne Valneva sera livré en priorité au Royaume-Uni. Et pour cause : les Britanniques lui ont apporté un important soutien financier quand les Européens ont traîné des pieds et que Paris est resté aux abonnés absents.
Mais que fait le pays de Pasteur ? Plus personne n’ignore que dans la course aux vaccins contre le Covid-19, la France est sur le banc de touche. Le développement de la formule étudiée par l’institut Pasteur a été abandonné en janvier 2021, faute de réponse immunitaire suffisante. Chez le géant pharmaceutique français Sanofi, les deux candidats devraient être au point fin 2021 pour celui développé avec le britannique GSK, et l’année suivante pour le second, issu d’un partenariat avec Translate Bio, société américaine spécialisée dans l’utilisation de l’ARNmessager. Sanofi va justement racheter cette dernière. Objectif : accélérer les recherches sur les technologies à ARN.
Sauf que pour les vaccins anti-Covid-19, c’est trop tard : si ces deux formules apporteront sûrement un appui non négligeable, elles arriveront de longs mois après celles de l'américain Pfizer, de l'américain Moderna ou encore du britannique AstraZeneca. Et peut-être aussi après Valneva. Valneva ? Cette société française a déjà lancé la dernière phase des essais cliniques de sa formule anti-Covid-19. Pourtant, elle sera acheminée en priorité vers le Royaume-Uni. Petite présentation d’un candidat prometteur, le vaccin VLA2001 de Valneva, que la France a laissé filer à l’anglaise.
QUI EST VALNEVA ?
Basée à Saint-Herblain, près de Nantes, Valneva a vu le jour en 2013, issue de la fusion entre deux firmes : une société autrichienne, Intercell, qui développait des vaccins contre l’encéphalite japonaise et l’hépatite C, et la start-up française Vivalis. Or celle-ci est justement née… dans les laboratoires publics de l’Institut national de la recherche agronomique et environnementale (Inrae), en 1999. Elle se concentrait alors sur la production de protéines à visée thérapeutique.
Aujourd'hui, l'activité principale de Valneva consiste en la production de vaccins contre les maladies infectieuses. Philosophie : « une vision d’un monde où personne ne meurt ou ne souffre d’une maladie pouvant être prévenue par la vaccination (...) et une stratégie ciblant des maladies pour lesquelles les options de traitement préventif ou thérapeutique sont limitées », lit-on sur leur site internet. L'entreprise franco-autrichienne compte 600 salariés implantés dans six pays, dont l’Écosse où sont produites actuellement des doses de VLA2001. Pour l’instant, elle commercialise deux vaccins, contre l’encéphalite japonaise et le choléra, et deux autres sont en développement : l'un contre la maladie de Lyme et l’autre contre le chikungunya. En plus, bien entendu, de l’anti-Covid.
FORMULE CLASSIQUE
Pour ce dernier, la société a décidé de s’appuyer sur la stratégie classique : un virus entier rendu inoffensif, auquel sont ajoutés des adjuvants. Ainsi, la personne exposée au Sras-Cov-2 développe des anticorps, mais sans que le pathogène n’ait la capacité d’induire la maladie. Le vaccin nécessite deux doses. Il s’agit de l’unique candidat en Europe à utiliser cette technologie du virus inactivé.
Une formule dont les premiers résultats des essais précliniques et cliniques en phase 1 et 2 - pour évaluer respectivement la dangerosité et l'efficacité du produit - sont pour le moins prometteurs. Les niveaux d’anticorps induits sont élevés, et aucun effet secondaire grave n’est relevé : il paraît bien toléré. Les essais cliniques sont tous menés au Royaume-Uni, y compris la phase 3, qui concerne 4 000 participants et a été initiée fin avril 2021. Il s’agit de comparer l’efficacité du VLA2001 de Valneva au VaxZevria d’AstraZeneca. Certains participants ont reçu le premier, d’autres le deuxième.
Plus encore, il ne devrait nécessiter qu’une chaîne du froid standard, de 2° à 8 °C. Autre avantage : il pourrait également convenir pour des vaccinations de rappel. En effet, les vaccins inactivés semblent être particulièrement appropriés pour ce genre de vaccination. La technologie serait aussi efficace contre les variants.
EUROPE HÉSITANTE, ANGLETERRE PRESSANTE
Bref, face à de si bons résultats préliminaires, le Royaume-Uni a placé ses pions. Dès le 14 septembre 2020, Valneva faisait paraître un communiqué pour annoncer un « partenariat majeur » avec le gouvernement britannique. Ce dernier a « sécurisé l’approvisionnement de 60 millions de doses pour un coût de 470 millions d'euros avec des options pour la fourniture de 130 millions de doses supplémentaires entre 2022 et 2025 ». Mieux : Londres a investi plusieurs millions dans l’usine de production de Valneva en Écosse. Le 12 janvier, soit quatre mois plus tard, la Commission européenne n’annonçait que des « discussions préliminaires » en cours avec Valneva, prévoyant la possibilité d’acheter 30 millions de doses dans un premier temps, puis autant dans les mois qui suivent.
Ensuite, le temps passe, et l'Europe hésite. Si bien que le 20 avril, Valneva annonce « se concentrer sur des discussions bilatérales, pays par pays, pour fournir son candidat vaccin Covid-19 inactivé et avec adjuvant, le VLA2001 et (...) supprimer la priorité des discussions centralisées en cours avec la Commission européenne (CE) ». D’un point de vue technique, rien n’empêche en réalité le gouvernement français d’entamer des discussions avec Valneva, sans passer par l’Union européenne (UE). Mais l'Hexagone reste muet, contrairement au gouvernement britannique.
PRIORITÉ AUX BRITANNIQUES
« Le Royaume-Uni nous a approchés pour dire : vous avez une usine en Écosse, votre vaccin inactivé nous intéresse, est-ce qu'on peut trouver un accord ? expliquait Franck Grimaud, directeur général de Valneva, à France Info en février dernier. À partir du moment où il y a un État ou un organisme international qui prend tout le risque sur vous, vous avez des engagements contractuels vis-à-vis de ce pays ou de cet organisme ». La société sait qu’elle doit une fière chandelle aux Britanniques, sans qui la phase 3 - de tests à grande échelle - aurait probablement été initiée plus tard. Et les commandes britanniques pourraient lui permettre d’atteindre 1,4 milliard d’euros de revenus. De toute façon, le marché est déjà conclu : le gouvernement britannique aura la priorité sur les doses.
Reste que début juillet, Valneva assurait que les discussions avec la Commission européenne se poursuivaient. Le 4 août, même son de cloche du côté de l’UE : dans un communiqué de presse à propos d’un nouveau contrat passé pour le vaccin américain Novavax, Bruxelles évoque - encore - des « discussions exploratoires conclues avec Valneva ». Difficile d’en savoir plus.
Quoi qu'il en soit, les premières doses n'arriveront pas en Europe avant 2022, alors qu'elles sont attendues dès la fin de l'année au Royaume-Uni. Alors même que la société à l’origine de leur production a vu le jour au sein de la recherche publique française, et que la Banque publique d’investissement (BPI) détient 8 % du capital de Valneva. En plus d'avoir raté la première place dans la mise au point de vaccin, la France n’a pas non plus réussi à empêcher la fuite d’un des candidats les plus prometteurs vers l’autre côté de la Manche...