(Pour plus d’explication sur le pourquoi de ce topic...)
Préambule : depuis des années c'est un fait, Dexter reste la série qui trône en première position dans le modeste panthéon de mes séries préférées. Elle a peut-être été menacée à un moment par Fargo mais c'est une autre histoire. Malgré tout, Dexter et moi, c'est à la vie, à la mort. (no joke)
A l'époque, les épisodes sortaient sur le cable US tard dans la nuit de dimanche (heure française). Dès le réveil, je savais que j'avais juste le temps de télécharger l'épisode de la veille, et de le dévorer avant de partir au travail, moyennant un retard acceptable.
Dexter est la seule série que j'ai regardé intégralement en VO, sans sous-titre. Les groupes de hackers, pourtant très actifs, mettaient quelques heures avant de publier les sous-titres en français de l'épisode de la veille. Il n'étaient disponibles que le lundi après-midi... Je ne pouvais humainement pas attendre aussi longtemps.
La plupart du temps, mon niveau d'anglais ne me permettait pas de tout comprendre au premier visionnage. On connait tous la voix off de Dexter. Celle qu'on entend à longueur d'épisode, dans ses moments d'introspection. Calme, grave, lente. Elle était facile à comprendre. Les expressions triviales de sa soeur, les accents des personnages vivant à Miami, l'argot de la rue et surtout le débit rapide me posait quelques soucis. Alors le mardi (parfois le lundi soir), je me repassais l'épisode en STFR. A la fois pour le plaisir, et pour être sur de n'avoir rien loupé. A la fin de chaque saison, la perspective d'attendre la suivante plusieurs mois semblait insurmontable. On était pas loin de l'addiction.
Quand j'étais au collège, j'étais déjà fasciné par les bornes d'arcades, qu'on trouvait à l'époque dans tous les PMU et bars que l'on pouvait trouver. Au petit matin, ou après la sortie des cours, je profitais des horaires très larges de mon bus pour trainer dans ces lieux de perdition. Un gamin de mon age n'y avait pas vraiment sa place. Entre les vieux qui refaisaient le monde autour d'un jaune, les blousons noirs qui trainaient autour du flipper, et les smicards venus gratter leur grille de loto ou leur tiercé, c'est tout une faune locale que l’on croisait. Parfois même, des policiers de passage entraient pour je ne sais quelle raison de service, et leur regard noir me faisaient vite comprendre que je n’avais rien à faire là. Je ne venais que pour une chose : claquer mon maigre argent de poche pour quelques instants où je pourrais me confronter à la machine, être le maitre de ces quelques pixels (qui ne seraient même pas colorés avant plusieurs années), tenter déjà de comprendre la magie par laquelle quelques composants électroniques pouvaient donner vie à tout un monde. Et quand je n’avais plus un sou en poche (ce qui arrivait très rapidement), je me contentais de regarder longuement le mode démo, en espérant qu’un ado quelconque passe dans le coin pour faire une partie, que je pourrai regarder aux premières loges, accroché aux cotés de la cabine.
Evidemment, les odeurs du café noir, de pastis et de cigarettes étaient là. Le bruit du percolateur, les rires des clients, les discussions animées faisaient partie de l’ambiance. Mais de tous ces détails, ce ne sont pas les souvenirs que j’ai associé à ces années.
Car la borne d’arcade, qui était incontournable dans tous les bars de l’époque, au même titre que le flipper, n’était pas le seul à régner en ces lieux. Il y avait aussi le juke box. Et à une époque où le mp3 était de la science-fiction et que le walkman venait tout juste d’être inventé, je peux vous dire que ces objets là tournaient en boucle sur le tube du moment.
Ainsi, par le jeu de l’association mémorielle, j’associe immédiatement les chansons les plus populaires de la clientèle avec le jeu qui avait le hasard d’avoir été placé le même mois dans le café devant l’arrêt de bus. Je ne peux pas jouer à Dig-dug sans fredonner « Do you really want to hurt me » de Culture Club. Pengo est indissociable de « Cambodia » de Kim Wilde. Et je ne peux pas écouter « Smalltown boy » sans penser à une partie de Marble Madness (et au clip inoubliable de Bronski Beat aussi, évidemment).
Bref, vous avez saisi l’idée.
Je n’étais pas le même homme alors. Une partie de mon histoire n’avait pas encore été écrite. C’était une période plus lourde, plus complexe avec son lot de conflits et de sourcils froncés. Mon impérieux besoin d’insouciance ne viendrait que plus tard.
Alors, retrouver cette série, c’était aussi un retour en arrière, un regard vers le passé. Les émotions d’alors ne risqueraient-elles pas de remonter à la surface ? Le mécanisme irrépressible des souvenirs se mettrait-il à remuer le sable qui s’était décanté avec le temps ?
Et puis, comme on hésite à rappeler un ami perdu de vue depuis trop longtemps, j’appréhendais le moment où je me retrouverai à nouveau devant Dexter. Avait-il changé ? Aurais-je changé ? Est-ce que l’alchimie mystérieuse fonctionnerait à nouveau ? Ne risquais-je pas de transformer de bons souvenirs en une amère déception ?
Voila sans doute les raisons qui m’ont fait patienter ces quelques mois avant de me décider à me lancer à nouveau dans l’histoire de ce monstre touchant. Je repoussais ce moment, sachant qu’il arriverait tôt ou tard. Il est arrivé.
Revenons donc à cette nouvelle saison (même techniquement il s’agit d’une série séparée, personne n’est dupe) : Dexter, new blood.
Déjà, malgré l’arrêt de plusieurs années, elle n’étonnera personne. La dernière scène de la saison 8 de Dexter était très explicite sur le fait que notre serial-killer préféré allait se mettre au vert quelques temps, mais nous le connaissons trop pour savoir qu’il ne lui serait pas si facile de se débarrasser de ses démons.
Dès les premières scènes, ca y est, on retrouve notre héros, avec ses contradictions, ses failles, ses voix-off. L’humour noir est aussi là, comme toujours. On se reprend d’affection pour Dexter. On se surprend à être pris d’empathie pour un être aussi terrifiant. L’ami est de retour, et on tremble à nouveau à ses cotés.
Je n’essayerai pas de prétendre que la série est parfaite. Elle ne l’est pas. Je crois qu’au milieu de chaque saison de cette série, il y a une sorte de creux dans l’action. Les choses avancent doucement, les décisions sont souvent prévisibles. Les incohérences aussi sont légions. Le genre de choses qui en temps normal me font sortir de l’histoire, des choses que je ne pardonne que rarement à un film ou une série. Mais quand il s’agit de Dexter, je passe outre, je suis plus indulgent. Comme on pardonne à un vieil ami.
Et puis d’un coup, tout s’accélère. Il y a souvent un point de bascule. Un détail décisif. Un shot d’adrénaline. La pierre coincée sous la roue qui, retirée, laisse le 38 tonnes prendre de la vitesse dans la pente sans que plus rien ne semble pouvoir l’arrêter. Le truc qui nous tiendra en haleine jusqu’à la fin de la saison, on le sait bien.
Et c’est arrivé. Je viens de sortir de l’épisode 6, et le monde a basculé.
Bon, c’est dit. Dexter est définitivement ma série préférée.