- Ce n’est pas dans mes habitudes, mais là, il est allé trop loin !
Rebecca, en pleine agitation, cherchait fébrilement un ouvrage sur les étagères de sa bibliothèque encombrée de toutes sortes de papiers et d’archives anciennes. Elle avait la certitude que ce qu’elle cherchait s’y trouvait bel et bien.
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Ça ne se passera pas comme ça ! Ajouta-t-elle tandis que trois livres s’écrasaient au sol.
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Il ne sait pas à qui il a affaire ! Dit-elle encore en remettant les livres sur une étagère, sous le regard inquiet de sa jeune sœur, la brune Ursula.
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Ah, le voilà ! s’écria-t-elle triomphalement. « Sorts et Sorciers », c’est lui !!
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Et c’est reparti ! Se lamenta Ursula en secouant la tête d’un air désespéré.
Pourtant, Rebecca avait de bonnes raisons de fouiller dans les pages de ce vieux bouquin de sorcellerie, car Rebecca était une sorcière. Fille, petite fille, arrière petite-fille de sorciers et de sorcières etc etc. Et elle avait un problème, un gros problème même, une histoire de fou… On lui avait jeté un sort. Un sort ? Oui un sort, un vrai de vrai, et bien visible. Un sort du genre humide et bruyant. Dès qu’elle mettait le nez dehors, un nuage noir apparaissait au-dessus de sa tête, avec tonnerre, éclairs et pluie. Il la suivait, ne la lâchait pas d’une semelle, et elle était obligée de s’abriter sous un grand parapluie. Impossible donc d’aller où que ce soit, cela bien sur ne pouvait pas passer inaperçu, et tout le monde saurait qu’elle était une sorcière, même si cela était difficile à croire pour les gens ordinaires, les moldus quoi… Et pour comble de tout, Ursula ne voulait rien entendre, elle était dans le déni total de la sorcellerie.
Mais qui avait jeté un sort à Rebecca ? Eh bien tout simplement Gaspard, un habitant du village dont elle avait repoussé les avances. Il le lui avait bien dit : « tu me le paieras ! ». Et Rebecca, qui n’avait jamais pratiqué la sorcellerie et n’y connaissait pas grand-chose, cherchait un moyen d’effacer ce sort et également de le retourner contre son créateur. Pour cela, il lui fallait trouver la formule apotropaïque adéquate. Et des formules apotropaïques, il y en avait des centaines...
Les heures passaient, la nuit était tombée. Ursula s’était endormie sur le canapé, lorsqu’un tonitruant « Euréka !!! » la réveilla brusquement. Je la tiens, je la tiens, Gaspard, cramponne-toi bien car tu vas pleurer toutes les larmes de ton corps !!
Quelques minutes plus tard, penchées sur le vieux livre aux pages un peu jaunies, elles lisaient et relisaient la formule. Elle devait être prononcée à une heure précise, à voix haute, en présence d’une autre sorcière et d’un chat, noir bien entendu. Le chat noir elles l’avaient, comme toutes bonnes sorcières qui se respectent. Un bon gros bonhomme de chat qui dormait tranquillement sur le fauteuil en velours vert près de la cheminée, et qui s’appelait… le chat.
Et voilà les deux jeunes femmes, agenouillées par terre en compagnie du chat, prêtes à s’engager sur un chemin qu’elles ne connaissaient pas, celui de la sorcellerie. Il y avait deux versions de la formule, une pour annuler le sort, et l’autre pour le retourner à l’envoyeur avec option « sort impossible à annuler ». A réciter à genoux sur un tapis en tenant la main d’une autre sorcière qui devait caresser un chat noir.
Quand cela fut fait, Rebecca, pas trop rassurée tout de même, ouvrit la porte de la maison et sortit sur le perron. Le jour se levait. Elle fit quelques pas hésitants. Rien. Pas le moindre nuage. Elle avait réussi, la magie avait opéré. C’est alors qu’un cri retentit au bout de la rue : « non mais c’est quoi ce truc » ? C’était la voix de Gaspard. Le deux sœurs tapèrent leurs mains et rentrèrent chez elles. Elles n’avaient pas dormi de la nuit et coururent se coucher. Elles l’avaient bien mérité.
Les gens qui ne rient jamais ne sont pas des gens sérieux