La voiture le déposa devant l'imposante grille en fer qui aurait bien eu besoin d'un ravalement. Les dorures avait laissé place à la rouille et les initiales de la famille avaient depuis longtemps, perdu leur éclat.
Il récupéra sa valise dans le coffre, tendit un billet qui couvrait deux fois la course, au chauffeur et alla sonner à l'interphone dernier cri qui jurait complètement avec le portail, digne d'un décor de film d'horreur. Après quelques secondes, une voix d'homme se fit entendre, la voix lui indiqua la route à prendre pour atteindre la demeure. La grille s'ouvrit lentement dans un grincement strident et il entreprit sa route vers le manoir. Comme s'il allait au gibet il avança tête baissée, épaules rentrées, imaginant l'accueil qu'on allait lui offrir.
Comment pourrait-il justifier de n'être jamais revenu en dix ans ?
Arrivé devant la demeure familiale, il réalisa qu'il avait marché machinalement à travers le bois qui entourait la maison, sans chercher son chemin. Il aurait aimé être ailleurs mais désigné comme témoin du marié et le marié étant son petit frère, il se devait d'être là.
Il prit son courage à bout de bras et monta d'un pas hésitant les marches du perron. Combien de fois les avait-il sauté ces marches ? Combien de fois s'était-il assis pour attendre la vieille coccinelle bleue qui ne pouvait être conduite que par le paternel en personne?
Il s'apprêtait à frapper à la porte mais avant que sa main n'atteigne la porte, celle-ci s'ouvrit laissant apparaître une femme d'une soixantaine d'années, cheveux grisonnants attachés en un chignon parfaitement réalisé.
-- Bonsoir Cyril, quel bonheur que tu sois là, ça fait longtemps. dit la femme.
Il la regardait, figé. Non pas qu'elle lui était méconnaissable, bien au contraire, il connaissait ce visage par cœur. La voir le fit plonger malgré lui, dans le tourbillon insoutenable de ses souvenirs. Tout remontait à la surface. Il s'appliqua à enfouir ses émotions au plus profond, inspira et afficha un sourire gêné.
--Bonjour Nana.. Je suis heureux de te voir.
La femme lui sourit avec bienveillance et lui fit signe d'entrer dans la maison. Rien n'avait changé, les couleurs, les odeurs, les tableaux accrochés au mur, tout était à la même place.
Après des retrouvailles familiales, fortes en émotions sous lit de quelques reproches, il alla dans sa chambre d'enfant. Là encore tout était comme dans son souvenir. Il posa ses valises devant la penderie et s'amusa de constater que la fusée qu'il avait dessiné sur le bas du mur, était toujours présente. Il se laissa tomber sur le lit, épuisé par les trois jours qui l'attendaient.
Regardant les étoiles et planètes aux couleurs passées, peintes au plafond, le décalage horaire et les insomnies de ces derniers temps eurent raison de lui, il s'endormit. Moindre mal vu le week-end qu'il allait vivre.