Une nouvelle étude britannique, parue le 18 août 2021, suggère que le Covid-19 endommagerait le cerveau de patients atteints par la maladie, peu importe le degré de gravité de cette dernière. Selon les chercheurs, la maladie causerait notamment une « atrophie » de la matière grise du cerveau.
On lui a d’abord imputé les céphalées, les myalgies, et les « brouillards cérébraux ». Puis sont venues s’ajouter à la liste de ses symptômes l’anosmie, l’agueusie et les encéphalopathies… À mesure que la recherche sur le Covid-19 avance, les scientifiques du monde entier semblent petit à petit se rapprocher d’une vérité jusque-là pressentie et vérifiée laborieusement : la maladie impacterait le cerveau de certains malades, même ceux asymptomatiques.
C’est en tous les cas ce que suggère une nouvelle étude britannique, parue le 18 août 2021, dans laquelle des chercheurs expliquent avoir observé une atrophie de la matière grise du cerveau chez de nombreux patients, même asymptomatiques, atteints du Covid-19.
Des milliers d’IRM passées au crible
Disons-le d’emblée : l’étude est pour l’heure à prendre avec « quelques pincettes », cette dernière n’ayant pas encore été validée par des pairs. Pour autant, la méthode utilisée par les chercheurs et la publication de cette étude sur la plateforme MedRxiv, créée avec la contribution de la société BMJ (éditeur du British Medical Journal) et de l’université Yale, laissent peu de doute quant au sérieux de cette étude.
À l’origine de cette étude donc, les chercheurs britanniques sont partis d’un constat : de nombreuses pathologies liées au cerveau semblent être la conséquence d’une infection au Covid-19. De fait, voilà près de 18 mois que de nombreux symptômes neurologiques sont observés chez des malades du Covid.
Anosmie, agueusie, cas de confusions non expliquées, réveils pathologiques après une prise en charge en réanimation, accidents vasculaires cérébraux… Les atteintes neurologiques rapportées au « registre français des manifestations neurologiques associées au Covid-19 », sont variées.
Alors pour étayer plus concrètement l’hypothèse d’un impact du Covid sur le cerveau, « même chez les cas les plus bénins », les chercheurs britanniques ont décidé de passer au crible les données d’imagerie cérébrale de pas moins de 45 000 personnes, recensées depuis 2014 dans une base de données britannique (BioBank), avant de les comparer aux IRM de patients testés positifs au Covid.
Pour s’assurer de la justesse de leur conclusion, les scientifiques ont tenu compte de « la pression artérielle, de l’indice de masse corporelle, des diagnostics de diabète, du tabagisme, de la consommation d’alcool, du statut socio-économique, du sexe, de l’âge et de la date du test de référence » de chacun des individus.
En outre, les chercheurs ont comparé les données des patients hospitalisés pour une infection au Covid-19 à celles de patients non hospitalisés.
Des changements « plus importants que la normale »
Une fois toutes ces données analysées, les chercheurs sont parvenus à mettre en évidence des différences notables concernant l’épaisseur de la matière grise, composée de corps cellulaires de neurones qui traitent les informations dans le cerveau, entre ceux qui avaient été infectés par le Covid-19 et ceux qui ne l’avaient pas été.
Selon les chercheurs, l’épaisseur du tissu de matière grise dans les lobes frontaux et temporaux du cerveau était en effet plus réduite dans le groupe de patients touchés par le Covid-19.
« Nous avons observé une réduction plus prononcée en épaisseur et contraste de matière grise dans le cortex orbito-frontal latéral, une augmentation de lésions tissulaires dans les régions du cerveau fonctionnellement connectées au cortex piriforme, au noyau olfactif antérieur et au tubercule olfactif ainsi qu’une réduction plus importante des mesures globales de la taille du cerveau et une augmentation du volume de liquide céphalo-rachidien », notent les chercheurs qui indiquent en outre que ces observations « suggèrent une atrophie diffuse supplémentaire chez les participants infectés ».
S’il est normal qu’au fil du temps, vieillissement oblige, ces transformations adviennent, les scientifiques notent tout de même que « ces changements étaient plus importants que la normale chez ceux qui avaient été infectés par le Covid-19 ».
Une observation qui pourrait notamment expliquer pourquoi certaines personnes atteintes par la maladie « sont plus lentes à traiter les informations », explique de son côté Jessica Bernard, professeure agrégée de la Texas A & M University, dans les colonnes de The Conversation .
En outre, les chercheurs britanniques ont mis en exergue un fait étonnant : en comparant les données des patients hospitalisés à ceux qui ne souffraient que d’une forme « légère » de la maladie, les scientifiques ont découvert que les deux groupes avaient des « résultats similaires » et que tous deux présentaient « la même perte de volume cérébral ».
Des effets à long terme ?
Désormais, « reste à savoir si cet impact peut être partiellement inversé ou s’il s’agit d’effets persistants à long terme », concluent les chercheurs.
Pour l’heure, rappelons que cette étude n’a pas encore été validée par des pairs, et que la prudence reste donc de mise. Pour autant, ces observations pourraient permettre d’apporter (enfin) une réponse sérieuse à la problématique du « Covid long », grande inconnue encore de la maladie.
Cette « atrophie » de la matière grise du cerveau peut-elle par exemple expliquer les cas d’agueusie et d’anosmie ? « Les régions du cerveau que les chercheurs ont trouvées affectées par le Covid-19 sont toutes liées au bulbe olfactif, une structure située près de l’avant du cerveau qui transmet des signaux sur les odeurs du nez à d’autres régions du cerveau. Le bulbe olfactif est relié aux régions du lobe temporal », rappelle Jessica Bernard.