King Kong Théorie
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Écrit par : Virginie Despentes
1ère publication : Grasset
Année : 2006Introduction :
J'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf.Ainsi débute cet essai féministe de 160 pages, fruit de la plume de la bien connue Virginie Despentes.
Avis :
Un pavé dans la marre qui aborde la sexualité féminine en évoquant ses aspects les plus tabous : le viol, la prostitution, la pornographie...Agrémenté d'anecdotes personnelles relatives à la vie mouvementée de Despentes, ce manifeste est tantôt un témoignage, tantôt une critique sociétale. Et nous invite à la réflexion concernant les dynamiques de pouvoir induites par le patriarcat.
L'auteure est plus proche des idées prônées par féminisme pro-sexe, et de fait elle évoque la sexualité selon un prisme qui fait crisser un max des dents les féministes abolitionnistes (le terme pour parler du courant anti prostitution/pornographie, abolo si abrégé) les plus convaincues et les petits cathos pro Boutin qui veulent "un papa + une maman", mais pas que. Et à l'inverse, un incontournable ou presque des adeptes de cette mouvance et plus. Une très bonne introduction pour découvrir ce courant.
Une prostituée est elle assujettie par une société patriarcale ou exerce-t'elle un métier où elle est maîtresse de sa sexualité ?
La pornographie est-elle le cancer de notre société ?
Enfin, le viol est-il un crime dont on ne se relève jamais ?
Telles sont les questions soulevées ici.Pour ma part, ça a été un coup de cœur, bien qu'il fut un peu amer.
Cette citation là reste gravée :
Je suis furieuse contre une société qui m'a éduquée sans jamais m'apprendre à blesser un homme s'il m'écarte les cuisses de force, alors que cette même société m'a inculqué l'idée que c'était un crime dont je ne devais jamais me remettreUn avis sur le sujet, ou des retours sur le bouquin ? La parole est à vous
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Je l'ai lu, je me suis pris une claque, un vrai coup de coeur aussi...
En plus, elle écrit vachement bien !
(commentaire ultra constructif, j'en suis pleinement consciente)
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@Gaip oh, c'est déjà un commentaire alors merci pour ce retour. Et je suis plutôt de ton avis en plus ^^
Même si dans l’absolu et aussi parce que je suis chiante, je trouve sa plume pas si dingue que ça (spécialement rapport au vocabulaire qu'elle emploie dans sa littérature) mais j'aime aussi beaucoup sa façon d'écrire et de développer ses points de vue/intrigues/personnages. Elle est très percutante, au sens littéral !
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@Kaa a dit dans King Kong Théorie :
Prostitution, pornographie, viol...
Je vais employer un terme fort, j'espère ne pas choquer, pour moi ce sont trois expressions de la déshumanisation de la sexualité.Pour ma part, je dirais plutôt deux expressions de la déshumanisation de la sexualité, et une du crime.
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@Peri @Olivier Déshumanisants, rien que ça ? Je note bien que ce n'est pas dit de façon péremptoire et plutôt pour initier un débat.
Pour autant, cette vision, de mon point de vue c'est du gros... :
La pornographie comme la prostitution opposée aux valeurs morales, c'est vieux comme Eve VS Lilith !
Perso, je m'identifie 1.000.000 de fois à une Lilith qui envoie valser Adam qu'à une Eve toute fadasse. Et plus encore qu'à une Marie que je trouve toute claquée (mise en cloque via des méthodes d'insémination assez farfelues).
En tant que femme, soit un être humain, j'ai des pulsions, des désirs, des envies. Bref, je suis née imparfaite et le resterait. Contrairement à une Eve, j'assume le fait d'aimer et de croquer dans la pomme, parce que Dieu, il est chiant avec ses règles à la con un peu, et les pommes c'est bon. Bon, je suis agnostique puissance maximale aussi XD Et je conspue de toutes mes forces cette fétichisation de la femme, qui devrait être douce, pure, maternelle et gniagniagniah...Bien sûr, chaque femme devrait pouvoir vivre sa vie comme elle l'entend. Alors si pour l'une d'elle ce sont deux pratiques avilissantes, et qu'elle se retrouve propulsée dans l'industrie du X ou sous la coupe d'un maquereau ou d'une maquerelle, ce sera malgré elle. Mais ce livre ne fait pas l'apologie de ces dérives, bien au contraire.
Il s'adresse à celles qui ont fait, font ou feront ce choix de façon éclairé et au contraire souhaitent inverser la tendance. J'insiste là-dessus, car souvent c'est un faux choix, par exemple si un producteur te vend monts et merveilles pour montrer ta chatte et te lâche comme une m...e ensuite, mais qu'une fois dans le circuit, pas évident d'en sortir pour pleins de raisons.Nous sommes également nombreuses à élever la voix pour casser cet équilibre sociétal phallocentré. On veut aussi pouvoir voir des femmes valorisées qui sont à la fois la putain ET la meuf respectable.
Ce n'est pas le souhait de toutes bien évidemment, et le but en portant ce débat sur la place publique n'est pas d'en faire la norme. Mais bel et bien d'accepter la diversité des parcours et envies de chacune sans y apposer une morale bien souvent à géométrie variable. Qu'on protège l'intégrité des femmes dont la sexualité devient publique, qu'il s'agisse d'un choix ou non. Tout comme pour les hommes.Alors, bien sûr, en 160 pages, Despentes ne réécrit pas toute l'histoire de l'Humanité, ni même de notre époque (enfin, celle de 2006). Mais en tant que femme, elle dénonce une posture hypocrite de note société sur ces sujets. Où pour vendre un aspirateur, on peut voir une femme en tenue légère et ça passe crème, mais si c'est en faire un métier, là, elle est forcément victime et véhicule une image dégradante de la femme.
Puis pourquoi ne pas aussi explorer d'avantage les fantasmes féminins ? On sait que beaucoup de femmes utilisent les films pornos comme support. Mais vous avez déjà vus un film X lesbien ? Bah spoiler : ça pue la vision phallo-centrée (le male gaze). Et dans le porno hétéro, la tronche des acteurs masculins est rarement à l'image, et aussi rarement assujettie aux critères de beauté sociétaux. A part la taille de leur membre, y'a zéro sélection pour un acteur de film X, hormis dans le porno gay.
Si je devais simplifier, en gros, l'auteure défend une théorie. Celles que les femmes devraient, alors que nous vivons dans une société patriarcale et capitaliste, s'organiser et disposer de leurs corps comme bon leur semble jusque dans les métiers dits "déshumanisants", "avilissants" etc. Qui sont l'expression d'un jugement de valeur en passant
Non pas que cette industrie en deviendrait exempte de dérives, mais peut-être seraient-elles d'avantage dénoncées et les femmes mieux rémunérées ou moins embêtées pour se reconvertir ensuite. Et également bin, rendre le travail du sexe porteur d'émancipation quand il ne l'est que pour les hommes. Alors que sans renverser complètement la société, on peut le faire -réaliser des films X plus ouverts à tous, protéger d'avantage les prostitués...Si on demeure factuel, le X comme la prostitution sont bel et bien vecteurs d'une possible ascension sociale (hélas, pas encore décorrélée du mépris et de jugements divers).
En soit, je ne pense pas qu'une femme qui se prostitue ou tourne dans des productions porno alors qu'elle est respectée et actrice de ce choix là soit plus déshumanisée qu'une caissière dans un hypermarché ou une dame pipi qui déteste son boulot de toute son âme mais qui par soucis économiques continuera à le faire. L'une peut sélectionner sa clientèle si elle est maitresse de ses choix, la seconde sera toujours sous la coupe de son employeur.Enfin, Despenstes revendique aussi le droit de ne pas être traumatisée à vie par son viol. Quand toute la société attend d'elle l'inverse. Mais je ne m'étalerai pas sur le sujet, la citation ci-dessus résume bien tout ça.
Sans être forcément d'accord avec tout son propos, je trouve que cet ouvrage mérite largement d'être lu et cette parole (pas unique) d'être entendue.
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@Olivier oh déjà j'ai pas vu ton ancien message, j'ai réagi aux termes tels qu'évoqués mais en aucun cas je n'attaque le propos, plutôt la forme. Car il demeure court de ce que je peux lire pour établir un point de vue précis sur un sujet extrêmement vaste. Je vais pas baliser de "je pense" etc, mais tout ce qui suit n'est que le fruit de mes réflexions, pas une vérité générale ^^
Pour ma part, je ne me modère pas (mais je reste respectueuse des avis contraires, promis !), car je trouve le discours abolitionniste souvent manichéen.
Ça dépend en fait s'il nie les revendications de TdS (Travailleurs du Sexe) qui souhaitent continuer à exercer leur profession.
Beaucoup de mouvements abolitionnistes empêchent les TdS de manifester à leur côté par exemple. Donc c'est un combat souvent mené au détriment de l'avis, même minoritaire, des principaux concernés. Seuls les discours victimaires y trouvent leur place, le reste est évacué. Ce qui me déplaît énormément.
Du coup, le côté "c'est déshumanisant" souvent argué par les défenseurs du zéro porno/prostitution, me rebute pas mal. Cela étant, mes potes sont pour la plupart abolitionnistes (mais on évite le sujet, pas qu'on s'énerve mais on sait que nos points de vue ne se rejoindront pas ou presque).Les problèmes majeurs relatifs à la dignité humaine ne viennent ni de la prostitution ni du porno mais plutôt du proxénétisme, et pour le porno des abus et de l'hyper-sexualisation des femmes dans ces médias.
Que le porno le plus répandu te rebute, je l'entends (et même partage ton avis). Mais déjà, tout le monde ne voit pas la sexualité comme toi. Donc pour celles et ceux plus adeptes des préliminaires, du ciseau, de la pénétration etc, il leur faudra plus que des caresses pour s'émoustiller.
On peut imaginer non pas interdire les vidéos à caractère pornographiques mais plutôt modifier petit à petit le paysage en réécrivant la norme du porno dit mainstream. Via des productions plus éthiques et pourquoi pas éducatives ?
Je pense en effet assez mince la proportion de femmes ayant choisi d'être travailleuse du sexe. Là je me focalise sur celles qui n'y sont pas contraintes autrement que par l'argent car notre modèle économique peut rendre un métier plus classique aussi objectifiant.
Alors évidemment, la majeure partie le fait pour l'argent avant tout ^^
J'ai pas mal discuté avec des TdS en Thaïlande, dont une qui pouvait redevenir prof mais préférait son métier de prostituée. Plus de confort matériel, de temps, moins de contraintes... Bref, c'était son choix. Je le ferai pas, mais hey, si ça lui convient, c'est le principal !Dans le cas de la prostitution, les hommes en effet sont aussi concernés. Je n'ai pas été exhaustive ni ne me suis pas attardé sur la question puisque le livre s'intéresse et s'adresse plutôt aux femmes.
Contrairement aux porno où les acteurs subissent moins de harcèlement ou de pratiques forcées (le porno gay d'avantage encore une fois), dans le cas de la prostitution, les hommes sont tout autant opprimés. Et ils ne profitent pas d'une ascension sociale particulière, tu as tout à fait raison de le releverConcernant le fait que tu ne fasses pas de différences entre hommes et femmes dans un film X : je pense que tu n'as pas une culture porno démesurée. Car c'est flagrant : les femmes sont très souvent exposées, filmées en gros plan de façon récurrente. Mais je parle du visage là, pas d'autres parties de leur anatomie elles aussi très exposées pour les deux sexes
Enfin, bien sûr qu'un acteur ou une actrice porno ne doit pas faire ce métier pour avoir une sexualité épanouie ! Ça reste du cinéma, quand bien même les actes sont réels. Beaucoup d'acteurs et d'actrices savent faire la part des choses. Certains tournent aussi en couple, et n'acceptent des scènes qu'avec leurs partenaires. Là, les motivations des uns et es autres sont multiples. Tant qu'il s'agit de pratiques légales et encadrées, je n'y vois rien de malsain concernant ces métiers si le seul obstacle c'est qu'on vend ses fesses.
Là où le bas blesse selon moi, c'est surtout dans la fictionalisation de ces films. Qui représentent majoritairement pas la réalité. On est sur du sexe hyper normé, très centré sur le désir masculin et sur des pratiques de gens du milieu libertin (qui restent ultra minoritaires).
Pour cela que oui, j'aimerai y voir plus de femmes comme Ovidie (actrice et réalisatrice/productrice) par exemple. Parce que les femmes auront plus souvent à cœur de respecter leurs acteurs, de représenter une sexualité plus diverse, et ainsi de suite. -
J'ai pas mal entendu parler de ce bouquin, il me tente bien. Pour l'instant, ma seule réflexion sur les travailleuses du sexe se limite à : c'est un travail qui existe, donc il faut des droits et des réglementations pour protéger les travailleuses.
J'ai parfois un peu du mal avec les écrits français (ou ceux qui ont été choisi pour être traduits en français) qui concernent le sujet de la sexualité féminine, parce que je trouve qu'ils tournent toujours autour du même sujet. J'ai envie d'être bousculée, pas de simplement valider ce que je sais déjà/avec quoi je suis déjà d'accord.
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@canaille-sympa il date un peu mais Despenstes est loin d'adopter un point de vue courant d'une part. Et s'inspire énormément de son histoire personnelle, donc c'est pas juste un essai brassant des concepts mais bel et bien ancré des réflexions basées sur sa réalité ^^
Viens nous donner ton avis si tu le lis (il est très court)
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@Tinker-Bell Pas de prob', je vais voir si je peux pas le trouver à la bibli