Avant que la fièvre ne monte trop, j'ai voulu terminer mon texte j'ignore dans quel état j'errerai demain
Mon cœur bat la chamade. Je vais enfin connaitre ce mystérieux invité surprise ! Ma petite fille vient de naître.
En passant la porte de cet hôpital, aux vieilles briques rouges, je suis plongée dans un drôle d'état d’euphorie . Je traverse les couloirs aux senteurs de désinfectant , à vitesse grand V. Je suis au comble du bonheur. Mais, tout à coup , et de façon étrange, les émotions se mélangent au plus profond de moi.
Joie ? Tristesse ? Je ne sais plus . Je suis dans l’incapacité de distinguer , tout comme celle de retenir ces longs sanglots , libérateurs, sûrement un peu trop enfouis depuis si longtemps.
Et me voilà, pleurant à chaudes larmes . A quoi bon lutter contre ce mécanisme ?
C’est ici, dans ces murs , dans cette maternité , que j’ai vu le jour pour la première fois . Une semaine après, ma mère m’a confiée à l’Assistance Publique. Mon nom , consigné dans un cahier, figure à présent de façon officielle à la page des « déracinés »
Mes yeux s’attardent sur le berceau de ma petite fille. Elle dort calmement, en toute innocence, sous les yeux attendris de ses parents.
Quels regards d'amour a-t-on porté sur moi ? Et qu’a donc ressenti ma mère en me voyant ? Notre incroyable complicité, tissée au fil de ces mois, lui aurait-elle fait si peur ? au point de me rejeter comme un poids inutile ?
Je n’en sais rien. Je n’en saurai sûrement jamais rien . Un morceau de ma vie dort ,quelque part , dans des archives. Mais aurai-je le courage un jour d’en découvrir plus ?
Je n’ai aucun souvenir avant mes 3 ans.
Lorsque je suis arrivée dans cette ferme perdue au milieu des vignes, ll y avait une belle lumière d’automne. Enfant de la ville, tout n’était que paradis à mes yeux, je ne pouvais que m’émerveiller en découvrant, ces vaches , ces coqs , ces poules, . D’autres enfants étaient déjà là, me regardant avec curiosité.
J’ai tout de suite été bien au milieu de ce décor bucolique, au point de rapidement trouver ma place dans ma nouvelle « famille » .
Une petite dame âgée, toute fine, est venue vers moi, m’a aussitôt accueillie avec un regard chaleureux, embrassée et pris joyeusement dans ses bras « Bonjour, moi, c’est Mina »
Mina n’était pas du genre à boire le thé dans de la fine porcelaine, le doigt en l’air, mais elle avait l’incroyable faculté de faire soleil même quand les jours étaient gris.
Je n’ai jamais oublié la force de ses mains rugueuses, lorsqu’elle m’a enserrée , Faut dire, qu’avant Mina , personne ne m’avait prodiguée autant de marques d’affection , ni même regardé comme une personne vivante.
Dans ma mémoire, des tas d’ images se bousculent, ardentes et précises comme des aquarelles.
J’ai pris la main de ma petite fille dans la mienne . J’entends, encore, la voix de Mina qui résonne dans un coin de ma tête et je souris . “L'amour, une fois qu'il a germé, donne des racines qui ne finissent plus de croître.”(Le petit Prince St Exupéry)