De quelle manière les enfants appréhendent-ils les différences sociales qui constituent l’univers dans lequel ils grandissent ? Comment perçoivent-ils les inégalités, les hiérarchies, voire les clivages politiques qui le structurent ? À partir de quels critères en viennent-ils à se classer et à classer les autres ? Et d’où peuvent-ils bien tenir tout cela ?
C’est à ces questions qu’entreprend de répondre cette enquête sociologique inédite, menée deux années durant dans deux écoles élémentaires. Si les mécanismes de la socialisation enfantine sont souvent postulés, peu de travaux les ont réellement explorés. Wilfried Lignier et Julie Pagis identifient un phénomène de recyclage symbolique des injonctions éducatives, notamment domestiques et scolaires, que les enfants transposent lorsqu’il leur faut se repérer dans des domaines peu familiers.
Ces mots d’ordre deviennent ainsi des mots de l’ordre, employés par les enfants pour distinguer les métiers prestigieux des activités repoussantes, les meilleurs amis des camarades infréquentables, ou encore leurs partis et leurs candidats préférés quand surgit une élection présidentielle. Chacun trouvera sa place, du côté du sale ou du propre, de la bêtise ou de l’intelligence, des « bons » ou des « méchants ». Si bien qu’à travers la genèse de ces perceptions enfantines, c’est celle de l’ordre social lui-même que l’ouvrage retrace.
Je fais un petit résumé de ce que j'ai retenu de la lecture de ce livre, de ce que j'ai apprécié et de ce que je pense bien évidemment.
Tout d’abord j'ai bien apprécié ce livre, bien que le scientifique que je suis a du mal à se contenter d'une étude portant uniquement sur deux écoles. C'était intéressant de voir comment les enfants se représentent différents métiers, et de quelle manière ils sont capables de les hiérarchiser. Nous pouvons remarquer qu'il y a dès l'enfance des disparités, entre le sexe, l'origine sociale. Par exemple, les filles classent mieux que les garçons le métier correspondant à la "personne qui s'occupe du ménage", tout comme les enfants d'origine populaire qui classent mieux ce métier par rapport aux enfants issus des classes moyennes ou supérieures. Une explication fournie dans le livre serait que les enfants ont conscience de la hiérarchie des métiers ( bien qu'ils soient influencés par les adultes, ils sont capables de reprendre la vision enseignée par les adultes, et de se l'approprier à leur sauce dans une moindre mesure, selon leurs expériences ). Les enfants issus des classes populaires pourraient ainsi représenter plus haut un tel métier afin de contester l'ordre établi, et de se protéger de la violence de cette hiérarchie.
La partie qui m'a le plus intéressé est celle portant sur la politique, et notamment l'étude portant sur le clivage gauche / droite. Les enfants font effectivement du recyclage de ce qu'ils entendent et ne comprennent pas le sens de ce qu'ils disent bien souvent. En effet pour un enfant, être de gauche ou de droite est surtout vu comme une manière de se conformer à une norme. Ceux qui s'en écarteraient seraient par exemple exclus d'une forme d'amitié. Par exemple une des deux écoles est dite populaire, et la norme y est de se dire de gauche. Un enfant qui s'y dit de droite, ou d'extrême droite serait d'une certaine façon exclu.
La perception de la politique étant trop abstraite, les enfants se concentrent aussi principalement sur les personnalités politiques reconnues (l'élection présidentielle de 2012 se passait durant cette étude). Il est amusant de voir de quelle manière sont dépréciées les personnalités politiques. Comme les adultes en fait ! En tournant en dérision leur comportement, des traits de leur personnalité, ou bien en se moquant de leur nom ( Mélenchon -> reblochon ).
Il est amusant de noter que l'étude portant aussi sur des classes de CP, la perception de la politique, et de la gauche / droite y est erronée. En effet, les enfants y ont répondu qu'ils préféraient la droite car ils sont droitiers.
Outre l'âge, l'appétence pour la politique paraît plus prononcée pour les garçons que pour les filles. Il ne serait pas surprenant que les filles intériorisent une forme d'exclusion vis-à-vis de la politique vu qu'elles ont moins de modèles à prendre en exemple. De même les enfants issus classes moyennes et supérieures s'intéressent plus à la politique que les enfants issus de classes populaires, probablement parce que ces derniers sont moins stimulés sur un tel sujet dans leur environnement familial.