Le sujet est toujours autant d'actualité et voici un documentaire qui résume assez bien la question (attention, il est dispo sur la chaîne tutube d'Arte jusqu'au 19 juin) :
Pour ceux qui ont la flemme de regarder la vidéo, voici quelques amorces sur la question :
Le documentaire s'intéresse notamment au cas du Royaume-Uni qui est passé de la gratuité jusque dans les années 90 à des frais allant jusqu'à 9 000 £ l'année en 2010. Pour mieux comprendre la logique politique, l'on peut notamment faire référence à ce que dit l'un des réformateurs sur la question : «Nous aurions pu décider de réduire le nombre d'étudiants à l'Université, de baisser le montant des bourses, de réduire le financement des universités, sans compensation. Mais nous avons opté pour une politique qui garantit le financement des universités, contribue à réduire le déficit et établit un système plus progressiste de remboursement par les étudiants.»
En fait, deux grandes questions sont soulevées dans ce documentaire : d'une part, la massification scolaire de ces dernières décennies qui a eu pour conséquence d'avoir beaucoup plus d'enfants scolarisés et plus longtemps, le nombre de bacheliers et d'étudiants a notamment explosé. On compte aujourd'hui plus de deux millions d'étudiants en première année de licence en France là où il y en avait seulement 300 000 dans les années 60, octuplant ainsi le nombre d'étudiants en 50 ans ! Vous imaginez le bond ? Et cette augmentation du nombre d'étudiants continue de croître, un rapport de l'enseignement supérieur indique d'ailleurs qu'en 2027 le nombre d'étudiants devrait atteindre les 2,80 millions si la dynamique reste la même dans les années à venir.
D'autre part, l'autre grande question soulevée est celle de la privatisation d'un service public. L'école est d'abord un lieu de savoirs or depuis quelques décennies, on est en train d'en faire un tremplin pour les entreprises. L'université doit se plier au marché du travail et doit elle-même devenir une entreprise rentable (cf. tout ce qui est fait autour de l'autonomie des universités qui doivent trouver leurs propres financements, des partenaires dans l'industrie et le privé...) et tout faire pour attirer les chercheurs les plus prestigieux, les étudiants qui vont leur permettre de gagner en valeur économique, de promouvoir les enseignements qui sont considérés comme les plus légitimes au sein de la société (économique), entendez par là ceux qui font de la maille, qui permettent d'acquérir des subventions pour les recherches, bref ce qui paraît compétitif aux yeux des entreprises privées ; mettant ainsi en danger la qualité de l'enseignement ainsi que sa diversité (on n'hésite plus à fermer des spécialités, des cursus qui ne « servent à rien », en sciences humaines, en langues, en sciences sociales, en arts notamment).
Et pour désespérer un peu plus de l'évolution de l'enseignement supérieur dans le monde ces dernières années, il y a carrément un passage dans le documentaire qui m'a vraiment fait tiquer : c'est quand un des étudiants rattaché au service « communication et marketing » de l'université de Manchester (rien que ça, ça donne la couleur) est en train de promouvoir celle-ci auprès de potentiels étudiants (potentiels investisseurs à leurs yeux donc) indique qu'il y a notamment un Starbucks dans l'enceinte de l'université...sérieusement un Starbucks installé dans un campus ?! Ça ne vous choque pas qu'une franchise aussi représentative de l'ultralibéralisme dans toute sa splendeur s'implante au cœur d'un lieu qui ne devrait rien à voir avec ?
Enfin, le documentaire aborde aussi la question de l'explosion de la dette étudiante dans les pays qui ont mis des frais d'inscription élevés. On constate notamment aux États-Unis que près de la moitié des étudiants sont dans l'incapacité aujourd'hui de rembourser leur prêt étudiant. Il en va de même avec le Royaume-Uni où près de 45 % des prêts ne sont déjà pas remboursés (alors qu'il n'y a même pas dix ans que les frais d'inscription à 9 000 £ ont été mis en place). On sait aussi qu'à partir de 47 % de prêts non remboursés, l’État se retrouve dans une situation où il perd plus d'argent que lorsque les frais d'inscription étaient trois fois moins élevés.
Tout cela tend donc à montrer qu'un système qui veut marchandiser le savoir et, par la même occasion l'avenir de sa jeunesse, n'est pas viable sur le long terme tant sur un plan économique que social ; pourtant, il continue de se développer (ex : la France a récemment rendu payants les frais d'inscription pour les étudiants étrangers), pourquoi ?
Quel est votre avis sur la question ?