Suite à la lecture du livre "Happycratie", je me suis dit : pourquoi pas faire un topic sur les problématiques soulignées à l'intérieur de ce bouquin.
Le problème n'est pas le fait d'aspirer à une vie heureuse, loin s'en faut. Mais de s'interroger sur une conception du bonheur véhiculé et normalisé dans la société. Et aussi sur l'influence que peut avoir sur nous une telle conception.
Tout d'abord la volonté de vouloir détailler les critères qui définissent le bonheur chez un individu est quelque chose d'ancien. Ici je m'en tiens à l'époque actuelle, pour être plus précis, de la fin des années 90 à aujourd'hui. Je pars des balbutiements de la psychologie positive. Du vernis scientifique que l'on a appliqué depuis sur le bonheur.
Dans le domaine de la psychologie positive, Seligman et Peterson ont publié en 2004 "Character Strenghts and Virtues", un manuel de la santé mentale, antagoniste au DSM qui est un vade-mecum des cliniciens psychologues et psychiatres. Le but est de mettre en évidence des vertus universelles, et d'aider les praticiens à permettre l'épanouissement des individus via l'analyse de traits positifs.
Bien sûr il y avait des intérêts économiques derrière, en terme de coaching. Je vais illustrer ça en parlant du monde professionnel. Nous y retrouvons là de plus en plus de postes de "chief happiness officer", dont le rôle est de créer des conditions favorables au bien-être des salariés dans le but qu'ils soient plus efficaces. Personnellement je trouve une telle démarche un poil infantilisante pour les salariés. De plus j'ai l'impression que de manière pratique, ces emplois servent plus dans une entreprise à cacher la poussière sous le tapis. Que si les conditions de travail ne sont pas toujours satisfaisantes, comme le salaire, il reste à être convaincu que l'on est malgré tout heureux.
Et je pars de cet exemple pour généraliser : est-ce que finalement, la façon dont nous utilisons la psychologie positive, n'est pas une sorte de diversion ?
Il convient de noter que depuis la crise de 2008, nous pouvons notamment trouver des écrits comme "Se soucier de soi en temps de crise", où il est en quelque sorte conseillé d'être individualiste, d'être heureux dans sa bulle, au lieu de s'alarmer sur le monde extérieur.
Je cite un passage du livre :
Comme l'a récemment montré la sociologue Michèle Lamont, les individus des sociétés néolibérales post-2008 ont fini par croire "qu'il leur fallait regarder en eux pour se ressaisir, retrouver volonté et puissance afin de mieux résister au déclin économique général"
Diverses études de psychologie positive mettent d'ailleurs en avant le fait que le fait d'avoir accès au bonheur tient en bonne partie de notre attitude, de notre volonté. Les circonstances de vie n'ont vraisemblablement pas une place importante.
Si c'est une question de volonté personnelle avant toute autre chose, alors c'est considérer que les individus malheureux sont en bonne partie responsables de leur état. C'est assez culpabilisant. Et cela ne permet pas une réflexion sur les causes extérieures.
Que pensez-vous de cette critique du bonheur ? Et de vouloir à tout prix le conceptualiser ?
P-S : pour l'anecdote il est intéressant de voir l'application de la psychologie positive dans le domaine militaire américain, avec le programme "Comprehensive Soldier Fitness CSF". Le concept de résilience y est de mise. Il y a diverses études sur le sujet mais je n'ai rien trouvé de bien concluant sur l'efficacité ou non d'un tel programme. Bref cette anecdote pour dire que les résultats des programmes fondés sur la psychologie positive ne donnent pas des résultats incroyables, et me laissent assez sceptique.
P-S2: Même scepticisme concernant le programme scolaire britannique SEAL ( Social and Emotional Aspects of Learning ).