"Time Capsule" : un appartement abandonné à Paris pendant 70 ans.
En grande amoureuse de la Belle Époque, j'ai été émue et fascinée de découvrir il y a quelques années (2010) l'appartement de Marthe de Florian, une demi-mondaine au square La Bruyère.



Actrice mais surtout cocotte, Marthe de Florian, collectionnait les passionnettes avec les illustres de ce monde autant que les belles tenues.
Elle fut intime de nombre de personnages politiques comme Clémenceau, de Pierre Waldeck Rousseau, Paul Deschanel, Gaston Doumergue, mais aussi du fondateur de la Samaritaine et vraisemblablement avec l’artiste peintre italien Giovanni Boldini.
Mais cette complicité avec ces personnages illustres ne lui en conféra qu’une célébrité bien éphémère car elle fut oubliée malgré tout, en même temps que les us et coutumes de la Belle Époque. Sa réputation était pourtant faite et sa fortune, que certains attribuaient plus à la qualité des divans des loges qu’à celle de son jeu de comédienne, l’était aussi.
Elle céda sa place à ses amies Grandes Horizontales, reines du Tout-Paris comme Émilienne d’Alençon, la Belle Otéro ou Liane de Pougy, devant un élan amoureux qui lui fit trouver un peu de stabilité dans un mariage bourgeois, la reléguant à la gestion de biens immobiliers.
Née Mathilde Héloïse Beaugiron en 1864 à Paris, elle eut deux fils dont un seul survivra, Henri Beaugiron et dont le père serait Auguste Albert Gaston Florian Mollard, mais ce n’est pas officiel. L’homme fut pourtant élégant puisqu’il laissa la cocotte porter son nom sur scène et lui permit de devenir Marthe de Florian. Elle vécut des années dans cet appartement de 140 m2, square la Bruyère, richement meublé et magnifié par la présence de son portrait peint par Boldini. Son fils, Henri, homme de lettres, habita un temps l’appartement et le légua à son tour à sa fille, Solange Beaugiron.
Mais la malheureuse dut quitter Paris et l’appartement de sa grand-mère en 1942 pendant l’Occupation et se réfugiera en Ardèche jusqu’à la fin de sa vie. Elle en confia la garde à une autruche sévère mais fière d’être empaillée, à une peluche de Mickey déjà fatiguée et à la chance. Le tour de clé qu’elle donna alors dans la serrure de la porte de l’appartement fut le dernier pour près de soixante-dix ans. Les traites de l’appartement furent toujours honorées, mais il fut oublié tout comme sa propriétaire.





L’immense privilège de sa réouverture fut réservé à Olivier Choppin de Janvry, commissaire-priseur à Drouot et à Marc Ottavi, expert en tableaux. Et leur déplacement fut grassement récompensé car les biens de la demi-mondaine étaient restés intacts et protégés par une poussière bienfaitrice forte de ses soixante-dix ans d’épaisseur. Le tableau en pied de Marthe peint par Boldini trônait au milieu de trésors Art nouveau, de la correspondance de la belle avec ses amants de renommée, élégamment entourée de rubans de couleurs différentes et de bouteilles de parfums encore emprisonnés dans leurs flacons posés sur une coiffeuse brune.

Les biens de Marthe de Florian furent vendus aux enchères, le tableau fut racheté pour la modique somme de 2,1 millions d’Euros.

L’appartement aurait été refait à neuf et vendu à plusieurs reprises mais aucun propriétaire n’y serait resté assez longtemps, assurant qu’ils entendaient des bruits étranges et qu’ils ne s’y sentaient jamais seuls
.