
A bien des égards, on pourrait être tenté de voir mon quotidien comme vide et ennuyeux.
Sachez qu’en vérité il n’en est rien. Etre le gardien du Graal implique un engagement et une disponibilité des plus absolus.
Mes journées sont particulièrement bien remplies. On pourrait même les classer en 3 catégories :
les journées dites "sans visite"
Ce sont les plus calmes. Elle n’en sont pas pour autant reposantes.
Je m’y adonne à mes occupations favorites : la confection et l’entretien de toutes ces petites bougies, ainsi que le lustrages des coupes, dans l'éventualité où je reçoive « de la visite ». C’est pas parce qu’on vit reclus au fond d’une grotte depuis 700 ans qu’il faut négliger son petit intérieur.
J’en profite aussi pour enluminurer toujours plus de petits flyers promotionnels : « seul le pénitent pourra le passer <•> avancez dans les pas du mot <•> uniquement dans le saut depuis la tête du lion pourra-t-il prouver sa valeur ». J’aime bien appâter le chalant avec ce genre de petites énigmes. Bon ok, c’est pas non plus « sur la trace de la Chouette d’Or » , mais ça fait le taff.
Parfois je reçois un colis. Oui je ne vous ai pas dit, mais je collectionne aussi les assiettes, calices et coupes en tout genre à mes heures. J’aime bien, ça tue le temps, ça aide à compenser la solitude. Quand on m’en envoie une, je la retape, je la nettoie, je la lustre… et je la maudis, pour qu’elle anéantisse quiconque boira de son eau. Je suis comme ça, je suis un gros taquin. 
Puis, quand je n'ai plus rien à faire, je lis l’un des mes li je relis pour la 473 fois mon seul livre : BIBLIA SACRA VULGATA par Saint-Jérome, Edition 1229. On va pas se mentir, je commence un peu à en avoir fait le tour. Mais bon, que voulez vous, c’est le bouquin édité par la maison « du Patron », le seul qui soit autorisé par la direction. Alors je m’écrase. 
Les journées dites "des candidats"
Enfin, un peu d’animation. Ce sont les journées où mes flyers ont attiré des candidats à l’immortalité. J’espère qu’ils vont bien s’amuser. En ce qui me concerne, c’est plutôt la journée du ménage. Au programme, il faut :
- entretenir le matériel, les roues, les engrenages, nettoyer le sang sur les disques rotatifs
- se débarrasser des corps et des têtes qui encombrent l’entrée. Un peu fatiguant mais j’aime bien, ça me donne l’occasion de me tenir au courant de la mode vestimentaire du moment, selon comment mes visiteurs morts sont accoutrés. Les derniers venus arboraient d’étranges plastrons bariolés, de très courtes chausses, et n’étaient pas particulièrement armés. Au lieu de ça, ils arboraient autour du cou d’étranges médaillons et amulettes ou brandissaient autant d'obscurs artefacts. S’y intéresser à l’occasion…
- refaire le dallage de la seconde épreuve. Bon là il s’agit souvent de refaire les 3 même lettres : le G, le D et le J, au travers desquels sont tombés ceux qui étaient partis, tantôt sur « GOD/GOTT », tantôt sur « DIEU/DIOS» ou « JEHOVAH ». Bon OK, pour ce dernier j’ai un peu trollé la soluce. Mais bon moi je suis un puriste, un vieux de la vieille. A l’école, j’ai fait latin en Langue Morte 1. Et quand je dis que c’est « I », et bien c’est « I ».
Les journées dites "des élus"
J’aime bien ces petits moment, ceux passées avec ceux qui ont surmonté mes trois petites épreuves. Ca me fait un peu de compagnie, me donne l’occasion de brièvement discuter avec quelqu’un, et surtout ça me fait moins de ménage à faire. Tout au plus j’aurais à balayer ce petit tas d’os et de poussière qui, il y a trente secondes encore, était mon visiteur, après s'être abreuvé au goulot d’une de mes nombreuses contrefaçons. Les gens sont si peu judicieux. Un charpentier du Ier siècle, vous l’imaginez vraiment festoyer la veille de sa mort avec un calice en or incrusté de pierre ? Tss. Bon, ça me donne au moins l’occasion de placer ma punchline favorite : « il a choisi… pas la bonne »...
...
Nope, toujours pas satisfait. Note pour plus tard : retravailler la punchline.