J'aimerais un chêne pour en débiter les planches
Les entreposer sous un hangar en bois
Laisser sècher
Attendre l'âme et voir durcir les lattes blondes
Epuiser la sève
L'entendre parfois craquer , la nuit , après
une journée de soleil ardent
Savoir qu'il vit encore
Et enseigner à l'ami qu'il faudra , avec ces planches
Me fabriquer un cercueil.
Alors je retrouverais la terre de mon village natal
J'irai reposer dans le cimetière où j'allais jouer enfant
Dans le jardin où déjà reposent les âmes
qui avaient le même nom que moi.
Posé en terre , je retournerai à la terre.
Les hommes continueront à s'étriper , à s'éviscérer
Moi , du moins j'aurais vécu.
J'aurais aimé la terre avant de me coucher en elle
Avant qu'on me recouvre d'elle.
J'aurais traversé la vie comme une comète
dans un ciel noir d'encre.
J'aurais ouvert les flots devant moi
Qui se sont refermés derrière
Effaçant jusqu'à la trace de mon passage
La terre où je me décomposerai conservera
cette force-là
Qui repartira ailleurs
Féconder l'âme d'un arbre qui recevra
la pluie , le vent , le soleil , la foudre...
Atomes libérés d'une forme qui avait mon nom
Particules réparties vers d'autres aventures
La sérénité triomphera.
Michel Onfray (Le recours aux forêts , la tentation de Démocrite)