J’ai pris connaissance de votre offre d'emploi , dès mon réveil à midi, ce jour.
Elle n’a pas que réveillé en sursaut ma niaque , elle a surtout retenu un peu de ma plus sérieuse attention .

Je n’irai donc pas par quatre chemins. Il semblerait, en effet, que ce poste que vous proposez, à savoir, « Concierge » au sein de votre entreprise correspond en tous points à mes capacités .

Certes, je n’ai pas grande expérience en ce domaine (Quoique !) Bref ! depuis le berceau, comme le dit si bien ma mère, j’ai toujours, une, parfois deux oreilles qui traînent un peu partout. Croustillant ou pas, je suis toujours à l’affût du dernier commérage.

J’ai cru comprendre la promesse d’ une promotion si plus et affinités. Elle a donc le mérite de ne pas être tombée dans l’oreille d’un sourd ; pour preuve, vous venez , à l’instant même , de constater combien je n’hésite pas à aller de l’avant ni à sortir des sentiers battus pour parer au plus pressé.

Ni sourd ni aveugle, je me porte comme un charme ; la langue de bois., je ne la pratique qu’en cas d’urgence seulement . J’ai d’ailleurs une règle et m’y tiens . : le colportage des ragots, je n’en use et n’en abuse que dans les soirées organisées entre copains, parfois aussi sur le tchat des réseaux sociaux.

Ne cherchez plus ! je suis persuadé être l’homme de toutes les situations et de toutes les embrouilles En surface, je saurai toujours me fendre d’un sourire, n’hésiterai jamais à prendre le taureau par les cornes , me montrer discret , muet comme une carpe , etc.etc…. Bref ! vous l’aurez très vite compris Je suis complètement disposé à faire feu de tout bois.

Toutefois, d’après votre annonce, il faut être disponible tôt le matin.

Sans emploi depuis quelques années, j’ai pris pour habitude de me lever à midi. Je ne suis donc pas en mesure de transiger sur mes horaires de travail, mais , compte tenu de votre réputation de PDG conciliant, nous pourrons aisément accorder nos violons sur un détail aussi anodin.

Je reste donc dans l’attente d’un rapide envoi de mon contrat pour signature et dans le but de vous faciliter la tâche, je joins à cet effet , un timbre.

J'espère vraiment que vous saurez me prouver, que vous avez, vous aussi, ce petit truc en plus, qui fait qu'ensemble nous pourrons vivre une collaboration pleine de partages et de sourires.

Dans l’heureuse perspective d’intégrer votre équipe, Veuillez agréer, Monsieur le Responsable, mes plus respectueuses salutations.

J.NEMARD.

L’air de cette chanson, fortement inspiré de cette longue traversée du désert, l’a fait sourire. Elle a malgré tout beaucoup de mal à réaliser que tout ce qui était défendu hier soit aujourd’hui redevenu permis. Même si le vent glacial la surprend, cingle son pâle visage creusé par les rides, violente ses cheveux, ( Si c’est pas malheureux, marmonne-t-elle, après toutes ces heures devant le miroir à essayer de les discipliner ) elle tient à le respirer à plein nez cet air de liberté qui flotte dans l’atmosphère.

Ce moment, elle veut, elle doit s’en délecter. Elle l’a tant imaginé, tant attendu. Elle ne se retournera pas . La noirceur, la grisaille, l’uniformité sont déjà loin derrière elle.

Rien ne peut entraver cet élan de vie . Ces lunettes noires, cette tenue volontairement féminine, qui dévoile ses jambes, sont plus que l’expression d’un grain de folie, c’est avant tout un furieux désir de bâtir un avenir meilleur .

♪♪♪Mathilde est revenue. Elle chantonne encore en arrivant sur cet horrible quai de gare aux couleurs ternies en attendant un train qui tarde à arriver.

L’instant d’avant, elle a croisé quelques voyageurs dont elle a envié les visages tannés par un séjour au soleil . Mais la foule lui fait peur. Elle est prise d’un vertige.
Le café crème a du mal à passer ! Elle a la nausée.

Cette liberté soudaine l’oppresse, la tétanise . Elle a le sentiment d’être une biche égarée Quand saura-t-elle un jour oublier la haine qui l’habite et ne l’a jamais quittée ? Treize années plus tard, la détonation du révolver résonne encore dans sa tête comme le bruit sourd de galoches aux semelles de cuir. Il ne méritait que ca ! Tant pis si son corps comme son cœur sont aussi cabossés que sa valise. Elle aura du mal à dissimuler les cicatrices mais elle se jure qu’elle ne laissera plus personne la maltraiter

♪♪♪Ce soir, je boirai mon chagrin Mathilde est revenue…