Bonsoir.
Définition de la randonnée pédestre par Wikipédia :
La randonnée pédestre est une activité de plein air qui s'effectue à pied en suivant un itinéraire balisé ou non, seul ou en groupe. C'est à la fois un sport et un loisir de découverte et de contemplation.
Définition de la randonnée pédestre par Kourski la Tepu :
La randonnée pédestre est une activité de petit bâtard en plein air qui s’effectue avec un corps meurtri en suivant un itinéraire interdit, seul ou en groupe. C’est à la fois une sanction et une activité qui flingue le mental avec pour récompense un spot de contemplation.
Votre définition ?
La minute arrogante de Kourski la Tepu :
Je suis une bible du sport. Tous les sports passent par ma manivelle, j’ai une mémoire séquentielle et sélective de fou, je peux parler en société des championnats du monde de bornes d’arcades de 1982 en toute impunité ou du nombre de médailles de bronze de la république démocratique allemande aux J.O de Munich de 1972. Un killer.
La minute sincérité de Kourski la Tepu :
Je suis une bite en sport. La pratique des sports me donne une flemme intangible. J’ai un physique séquentiel et sélectif de fou. Quand je tente ma partie de pétanque annuelle, je suis en sueur quand il faut ramasser les boules et je délègue ça en général aux enfants en prétextant que c’est un jeu amusant comme ça chui peinard.
Mais au plus profond de mon être je me suis toujours considéré comme un marcheur solide. Un alpha de la marche. Des enjambées puissantes, une envergure de voûte plantaire à faire pâlir Yohann Diniz. Il n’y a pas de petite victoire. Mais ça c’était avant. Avant le jeudi 11 août 2022.
Bande-annonce du pavé à venir :
Plusieurs semaines avant le séjour annecyiens/anneçois/c’est quoi les habitants de Annecy bordel, tout était réglé au poil de cul. Activités, randonnées, hélicoptère en haute-voltige jusqu’à l’éclair au chocolat dans la meilleure boulangerie de la ville. J’aime le contrôle. En étroite coopération avec Egon, la sélection de la randonnée était faîte, une petite rando toute mignonne et familiale avec des panoramas à se couper la chique dans un endroit superbe appelé l’arête de Taillefer. En environ 2/3 heures l’histoire se bouclait, on en prenait plein la gueule et à midi on serait sans doute de retour dans un resto mexicain de la ville pour bouffer des churros et prouter partout.
En un mot : Nickel.
Sauf que le mercredi 10 août tout s’effondra. Notre hôte Air b-n-b nous demanda notre programme. D’un revers de la main je refusais de lui dire, ça ne le regarde pas. Je suis un mec de la rue. Je lui déballais nos festivités sans coup férir jusqu’à l’heure à laquelle on comptait se coucher. Il n’en demandait pas temps le bougre. Quand l’évocation de notre lieu de randonnée fut livrée, notre hôte lâcha la sauce « Ha oui l’arête de Taillefer ? Oui c’est sympa. Mais dommage, je vous aurai plutôt conseiller la randonnée autour du mont Veyrier et du mont Baron. Surtout que les panoramas sont exceptionnels ! »
L’escalade
Mon plan s’effondre et je stresse. Je passe une mauvaise nuit. Je réfléchi aux deux options. Mes recherches Internet d’inspecteur gadget sont unanimes, le mont Veyrier, le mont Baron, ça sent le roussi niveau difficulté de marsouin. En gros ça déménage du slip pour des non-sportifs. Surtout que sur place en tant que piéton, c’est l’ascension avec départ du centre-ville d’Annecy. Pas de triche avec voiturette qui se gare au beau milieu de la montagne. Non, non. C’est pour envoyer du pâté en territoire hostile. Randonnée familiale, difficile, familiale, difficile, familiale, difficile. A 8h54 soit 6 minutes avant le grand départ, la décision est prise, ça sera la rando en mode expert. Je me revois dire à Egon « lace bien tes chaussures baby parce qu’aujourd’hui on va envoyer du bois » Mais quel conard.
Chronologie d’une violence
8h54 Chui en feu.
9h12 Arrêt buffet à la boulangerie. Deux petites viennoiseries seulement. Dans nos têtes c’était clair, on serait de retour pour midi ou 13h en ville pour manger.
9h20 à 9h56 Promenade tranquille pépére bébé dans Annecy-le-Vieux et autour du lac pour rejoindre l’entrée officiel de l’ascension des monts chépakoi.
10h00 Départ officiel de la randonnée pédestre. Chui en feu.
10h08 Je coince physiquement.
Le départ se fait en corde raide sur plein de petits cailloux qui font mal aux pieds. Le dénivelé positif est d’entrée de jeu à 465 mètres. C’est comme si au tour de France tu te promenais avec ta bicyclette sur du plat pendant 55 kilomètres et que tout à coup tu te bouffais en pleine gueule un col à 36%. Au milieu de ma cuisse droite, je sais pas c’est quoi comme os mais le mien est tout pourri car au bout de 5 minutes c’était tout raide (si y a quelqu’un qui réponds « comme ma bite » je ferme le topic) et j’arrivais plus à faire la jonction avec mon genou qui lui aussi était en train de se barrer. Welcome.
10h10 Première pause repos.
10h25 Reprise de la randonnée. Egon m’impressionne. Ce petit bouchon haut comme 3 pommes avance plus que correctement. Le style manque de fluidité mais l’endurance est plus que correcte et la résistance à la douleur physique est supérieure et de loin à la mienne. Je me pose des questions sur les rapports hommes/femmes et je tente de suivre en souffrant désormais mentalement.
10h40 Pause pour se reposer un peu
10h55 Reprise de la randonnée
11h15 Bonne nouvelle sur le front ! Mes os, articulations, ou ce que vous voulez, chauffent à pleine turbine ! Mes douleurs criantes s’estompent un peu, je sens que c’est chaud dans mon corps, limite ça brûle, on dit bien que le fer faut le tabasser quand il est chaud, alors je retrouve un regain d’énergie sa mère ! Je double Egon comme à la parade, j’impose avec les moyens du bord la fréquence de marche. C’est la modératrice qui est en difficulté et c’est moi qui reprends le rôle que je n’aurai jamais dû quitter. Le rôle du leader.
11h25 Je m’assois sur une branche pourrie avec de la mousse dessus et je laisse partie Egon au loin qui ne m’a pas vu brandir le drapeau de la défaite. J’en peux plus de la vie. J’entends mon cœur qui frappe. Mais je l’entends littéralement. Il vitupère. Il klaxonne. Tut-Tut, barbu bouffe moi le cul. Le genou gauche craque. La cuisse droite recommence à piquer en boucle avec un petit coup de couteau à chaque flexion. C’est tous les voyants qui sont au rouge à tel point que je m’inquiète. Faut-Il rebrousser chemin ? Je dégouline comme un porcinet. Dans nos préparatifs à la con, nous n’avions qu’une seule bouteille d’eau d’1,5 litres. Je rationne la bouteille d’eau. Seulement de courtes gorgées. Garder l’eau au maximum dans la bouche avant de l’avaler pour garder un maximum d’humidité dans nos cavités buccales dis-je autoritairement à Egon. C’est la débandade. La farandole de la souffrance. Ce ne sont plus des vacances. C’est la merde.
La honte
11h50 « Allez bébé on lâche pas ! Tu peux le faire ! » J’encourage Egon. L’amour. Le vrai. Quand je prononce ces paroles je suis loin derrière elle et j’essaie de prendre n’importe quelle branche d’arbre pour m’aider à monter mais elles cassent toutes ces connes. Ils ont tous des bâtons de marche. Je comprends aujourd’hui. Puis l’impensable, l’irréparable. Nous constatons que des randonneurs descendent la montagne en nous disant « BONJOUR ! » alors qu’ils étaient au départ de la randonnée avec nous à 10h au pied de la montagne pour la montée. Impossible. Bien évidemment je dis à Egon de ne pas répondre à ce couple de conards. Je défie du regard le mec. Mais comme il est musclé et est dans la fine fleur de l’âge je baisse les yeux. Nous n’avons jamais été aussi proche de lâcher prise et d’abandonner.
Le pouvoir de la psyché
12h10 Deux quadragénaires nous font le plaisir de taper la discussion. C’est pas comme si on était en apnée avec un poumon perforé, tout va bien. J’essaie quand même de faire bonne figure et je demande l’air de rien « sinon c’est bientôt la fin de notre ascension haha ? » L’une des meufs me regarde droit dans les yeux et s’en suit un dialogue qui m’inquiète.
La nana en gras
Moi en italique
Disons que ça dépend. Vous marchez vite ?
Non ? Oui ? Décide-toi.
Pas trop là.
D’accord. Donc il faut bien compter une heure au moins. Mais je vous rassure le panorama est exceptionnel. Par contre la dernière heure est assez raide, pas comme au pied de l’ascension ou c’était accessible. Mais vous êtes jeunes ça ira !
Ha d'accord, ça va alors.
?
Non rien.
Du moment que vous avez beaucoup d’eau et de quoi casser la croûte ça ira !
On a plus rien.
Bonne chance.
A+
Oui mais voilà. La promesse d’un panorama, la promesse d’une parenthèse enchantée nous fait avancer. La sueur perle de tout côté, mes lunettes de soleil ne tiennent plus à cause de la transpi, la casquette noire Nike est toute blanche, le slip et le jogging ont fusionné pour ne faire qu’un. On avance à deux à l’heure mais on avance.
13h40 L’eau est rationné, je crache mes années de fumeur invétéré, je promet à Dieu de fumer des huiles essentielles, je promets d’être vierge jusqu’à mes 40 ans, je promets de faire un resto végan, je promets d’allez au médecin pour qu’il regarde mes varices au niveau du mollet droit, je suis prêt à tout confesser pourvu que la souffrance s’arrête et là.. ô miracle, le final est en vue.
Instant plaisir et parenthèse
Comme vous le voyez le suspense est total dans le récit. Je stoppe 2 minutes pour livrer mon ressenti et la grande surprise que fut la mienne sur la politesse de mise entre randonneurs pendant l’ascension. Dans la rue, dans la ville, comme souvent, les gens se croisent, se toisent, parfois l’un ose dire bonjour, il se prend un vent et c’est fini pour la vie, on ose plus. En randonnée pédestre, alpine blablabla et j’en passe c’est un autre monde. Je vous livre un extrait rapporté de mon ascension garantie sans exagération.
En italique les randonneurs qui descendent
En gras Kourski la Tepu qui monte
10h Début de la randonnée :
Bonjour !
Bonjour !
10h02 (Kourski la Tepu se stoppe et s’écarte pour laisser passer les descendeurs)
Bonjour ! Merci ! Pardon ! Au revoir !
Bonjour ! De rien ! A+
10h06
Bonjour ! Bon courage !
Bon..jour ! (En deux temps, manque de souffle)
10h10
Bonjour !
…..
10h15
Bonjour !
Ta gueule.
J’ai été agréablement surpris par cette camaraderie entre compagnons de marche. Il y a une sorte d’instinct de prédateur qui nous unit dans la souffrance, je l’ai vraiment ressenti et c’est beau. Je peux dire quoiqu’il arrive que maintenant je fais partie de l’élite.
Bref, reprenons à 1200 mètres d’altitudes.
Branlette de l’esprit
C’est beau, rien à dire. On est quasiment au sommet du mont Veyrier, ça se joue à un poil de cul. Le panorama est superbe, même si au début je cherche surtout un coin d’ombre pour me protéger plutôt que m’extasier sur le paysage. Il y a des gens, quelques péquenauds ici ou là qui alimentent leurs comptes Instagram en photos. Je maudis cette génération puis quelques minutes plus tard je prends une dizaine de selfies de moi avec le panorama derrière pour humilier mes collègues de travail qui n’ont pas été en vacances cette année.
La descente d’émotions
14h40 Bon allez hop, ras-la-casquette. On plie les gaules, on se casse. Chui claqué. On amorce la descente et là le moral est au beau fixe. Easy bébé. In the pocket. Je me revois dire à Egon « bon au moins là on va être peinard ! » Mais quel conard (bis) D’entrée de jeu j’ai un problème. Mes chaussures de marche taille 47 ¾ sont un poil trop grande pour moi. A chaque pas mes orteils bourrinent le devant de la chaussure et ils s’écrasent sur la tige moitié métallique moitié en adamantium. A chaque pas on manque de se péter la gueule. J’ai une envergure de bras de 2m30. Je les ouvre en grand pour prendre n’importe quoi à la volée qui freine ma chute. Arbuste, branche, un autre randonneur, des cailloux.
15h On se fait littéralement doubler par des randonneurs qui courent. Je répète au cas ou ça percute pas. DES RANDONNEURS QUI COURENT. Ils courent. Y a pas à foutre un chat dans cette descente tellement c’est dangereux et que ça requiert une agilité de fou furieux et là tu as les mecs qui nous dépassent à fond A FOND, qui trouvent le moyen de nous dire « Bonjour ! Excusez-moi ! Bonne journée ! » et qui continuent de tracer comme des bœufs dans un océan de cailloux, de vide avec un dénivelé négatif de 840 mètres. Je dis bien évidemment à Egon de ne pas répondre et de ne pas dire bonjour à ces surhommes.
15h20 Je kiffe ma vie. Je vois de plus en plus de randonneurs qui montent la montagne. Certains comme moi sont des mangeurs de Cracotte à la fraise devant un streaming de RMC Sport. D’autres en revanches sont des golgoths. Des guerriers. Des athlètes. Et ils en chient. Je le vois dans leurs yeux. Ils sont faibles. Je les défie du regard. C’est eux qui baissent les yeux.
15H22 Chui en feu. A chaque randonneur qui monte, je les enchaîne sans exception
Kourski la Tepu en gras
Les randonneurs qui montent en italique
Bonjour !
Bonjour !
Bon courage, ça va le faire ! (avec le sourire pour faire genre perso moi ça va, je suis pas trop fatigué alors qu’en vrai vous connaissez la chanson, je suis détruit comme jamais je ne l’ai été dans ma pitoyable vie de sportif)
Justement, le sommet de la montagne c’est encore loin ?
Vous marchez comment ? Rapidement ? (A ce moment-là j’ai joui)
Euh. Moyen + Enfin. Plutôt moyen -
Ha ok ! Je dirais que vous en avez pour une petite heure (en vrai c’était deux heures mais je voulais pas les détruire psychologiquement non plus) à un rythme tranquille. Le final n’est pas trop raide ça ira. () Allez bon courage à vous A+ (avec le sourire de mâle alpha)
La vérité tombe dans l’escarcelle et elle n’est pas très rose. Au pied de l’ascension j’étais un homme avec ses faiblesses et ses bons moments. A la descente de la montagne je suis devenu un vrai petit bâtard qui dit bonjour à tout le monde, qui guide les randonneurs perdus dans la broussaille, qui estime la durée des randonnées de la région à n’importe qui, qui commence à parler ouvertement de triathlons à des gens crédules qui ne voient pas la vérité en face. Ils ne veulent pas voir. Ils sont eux-mêmes anesthésié par le défi qui s’offrent à eux.
16h30 Le grand final est proche. Les randonneurs qui montent désertent de plus en plus. Mes « Bonjour » ne claquent plus comme une heure auparavant. J’ai mal aux pieds putain. Ampoules de sang, courbaturé, vilipendé, j’en peux de la vie. Je croise un dernier fou qui commence à monter. Lui aussi est au niveau du sentier qui marque l’entrée officiel de l’ascension. Le sentier plein de cailloux qui fait bobo aux pieds. Lui aussi fait une pause avec un tronc d’arbre qui lui rentre dans l’anus. C’est son siège pour se reposer. Le pauvre. Il ne réagit même plus. Il est défoncé. Je lui dis « bon courage » sans aucune haine. J’essaie de lui donner de la force. Il ne sait pas. Moi je sais. Je suis Kourski la Tepu et je suis dorénavant l’un des plus grands sportifs du forum.
Désolé pour les probables nombreuses fautes, j'avais la flemme de me relire, c'est trop long à lire.
Et vous. ET VOUS ? La randonnée ? Sportive ? En mode branlette sans forcer ? Des itinéraires de fous furieux que vous avez fait dans votre vie ? Dans quelles régions ? Quels spots ? Quelles sont les panoramas d’exception qui vous ont marqué ? Des conseils à donner ? Des anecdotes ?