Ne juge pas trop vite!
nous explique que « le maintien d’une forte fécondité reste très valorisé socialement, en particulier dans les sociétés rurales où les femmes sont traditionnellement assignées au rôle de reproductrices. Ces idées dominantes expliquent en grande partie le peu d’empressement des autorités africaines mais aussi des sociétés civiles – à s’intéresser à la diffusion de la contraception et à reconnaître ses effets bénéfiques sur la santé des femmes et des enfants. Le laisser-faire qui prévaut encore largement en Afrique subsaharienne en matière de diffusion de la contraception et de promotion des droits reproductifs des femmes n’est pas propice à une accélération des transitions de la fécondité. Pour accélérer l’utilisation de la contraception, il faudrait mettre en place des programmes qui soient avant tout informatifs et sans tabou sur la santé de la reproduction et la planification familiale. (...) Le poids de l’Histoire, des croyances, des coutumes et des interdits sont autant de freins à la maîtrise de la fécondité. Cela dit, les autorités sont aussi responsables en refusant de mettre en œuvre des politiques courageuses. À ce jour, aucune campagne sérieuse – inscrite dans la durée – de promotion du libre choix des femmes en matière de procréation (comme au Bangladesh ou en Jamaïque) n’a vraiment été menée en Afrique subsaharienne. »,
- mais ne se contente pas d'affirmer que tout cela va se résoudre de lui-même et propose finalement la mise en œuvre de politiques très volontaristes: « Faciliter l’accès à l’information, garantir l’accès au planning familial, décourager le mariage des jeunes filles, retarder la première grossesse, espacer les autres, former un personnel soignant responsable, éduquer, communiquer… Voilà quelques-unes des mesures qui permettraient de répondre à la demande des femmes, d’éviter les naissances non désirées. Cela aurait aussi pour effet de réduire les grossesses à risques, et donc la mortalité maternelle et infantile. »
Enfin, il est aussi question du Niger dans l'article des Échos: « le Niger, où l'on enregistre le plus fort taux de fécondité au monde (plus de 7 enfants par femme), va voir sa population pratiquement quadrupler entre 2000 et 2050 pour atteindre… 50 millions ».
Or le Niger a justement donné lieu à la rédaction d'une monographie (3) par Jean Pierre Guengant & Maxime Banoin, dont il ressort que le pays (qui connaît déjà des famines localisées récurrentes: 1973, 1984 & 2005) risque fort de ne plus pouvoir subvenir structurellement aux besoins alimentaires d'une grande partie de sa population. On peut alors imaginer qu'une fraction de celle-ci se trouvera peut-être contrainte d'émigrer vers d'autres pays du continent. Devant de tels scénarios, qui se joueront bien entendu dans d'autres pays d'Afrique subsaharienne, on peut raisonnablement se poser la question de l'irresponsabilité de certaines élites locales qui continuent de fermer les yeux sur le problème de la surnatalité.
(1) Certaines sources sont ici: http://www.sangonet.com/DemographAS.html
(2) Mais qu'importe, on aura entre temps fait taire les craintes et les critiques et il sera toujours possible , en 2050, de trouver d'autres justifications au laisser faire...
(3) « Au Niger, l'espace des cultures pluviales couvre environ 15 millions d’hectares, soit 12 % du territoire national. Les activités agricoles s’y déroulent pendant les trois à quatre mois de l'unique et brève saison des pluies qui s’étend de juin à septembre. Du nord au sud, les précipitations annuelles varient en moyenne de 300 mm à 700 mm, mais avec de fortes variations inter-annuelles. Par ailleurs, la répartition irrégulière des événements pluvieux pendant chaque saison des pluies constitue une contrainte supplémentaire au bon déroulement de la campagne agricole.
Par ailleurs, le potentiel de terres irrigables au Niger est estimé à 332 000 hectares, soit 2,2 % des 15 millions d’hectares de terres cultivables. Toutefois, seulement quelque 13 500 hectares seraient effectivement aménagés, soit 4 % de ce potentiel. Auxquels on peut ajouter 54 000 hectares, déjà mis en valeur, d’aménagements traditionnels privés à partir des puits et des forages, du potentiel des mares (permanentes et semi-permanentes) et des retenues artificielles, en particulier les mini-barrages.
La mise en valeur des terres irrigables s’avère ainsi cruciale pour garantir, autant que faire se peut, la sécurité alimentaire du pays et réduire la forte pression foncière que subit le système de production extensif dominant actuel basé sur les cultures pluviales.
La forte croissance de la population n’apparaît pas comme un obstacle majeur à l’autosuffisance alimentaire, si, et seulement si, l’ensemble des terres irrigables est effectivement mis en culture avant 2020 (ce dont on peut douter). Mais vingt ans, c’est justement le délai minimum nécessaire pour que les efforts en vue de la maîtrise de la croissance démographique puissent commencer à porter leurs fruits. De ce point de vue, les résultats des projections obtenues pour 2050 sont édifiants. En effet, c’est seulement sous l’hypothèse d'une fécondité basse (3 enfants par femme en 2050), et toujours en supposant que soit effectivement mis en culture avant 2050 l’ensemble des terres irrigables, que l’on peut envisager d’atteindre l’autosuffisance alimentaire.
La première conclusion à retenir est donc que la poursuite d’une croissance rapide de la population constitue une contrainte forte, qu’il convient de desserrer le plus rapidement possible si l’on veut espérer atteindre un jour l’autosuffisance alimentaire.
Les cultures pluviales continueront très probablement d’être la principale source de la production en céréales du pays. En effet, ce n’est que lorsqu’on envisage la mise en culture effective de l’ensemble du potentiel irrigable avant 2020 avec des rendements de 7 tonnes à l’hectare (combinaison hardie d’hypothèses) que la part de la production nationale provenant des cultures irriguées est supérieure à la part provenant des cultures pluviales.
Enfin, la mise en culture irriguée rapide de 330 000 hectares, tout comme la poursuite de la croissance de la production d’origine pluviale (dans un contexte de raréfaction des terres et de diminution des rendements) requièrent une amélioration majeure, radicale et rapide des parcours techniques.
Au total, l’irrigation est effectivement en mesure d’accroître la production céréalière nationale, pour autant que les moyens nécessaires correspondants soient disponibles et effectivement et efficacement mis en œuvre. Mais même dans ce cas, l’irrigation n’apparaît pas comme la solution miracle. Il faut parallèlement se donner les moyens de la poursuite de l’augmentation de la production d’origine pluviale, et ce autrement que par l’extension des superficies cultivées ; et il faut aussi s’engager à maîtriser et à réduire la croissance démographique, et se doter des moyens nécessaires pour atteindre cet objectif.
Aujourd’hui, les problèmes de sécurité alimentaire dans les divers pays du Sahel sont principalement abordés dans une optique à court terme, à travers l’examen des excédents et/ou des déficits de la campagne en cours et de la gestion de stocks dits de sécurité.
Les divers résultats qui ont été présentés dans ce chapitre indiquent qu’il convient aussi de prendre en considération le moyen et le long terme. En effet, pour faire face aux déficits croissants prévisibles, il est nécessaire de mettre en œuvre assez rapidement diverses mesures permettant une progression majeure des rendements agricoles, une réduction de la croissance démographique, une augmentation des revenus de l’Etat pour appuyer les innovations techniques et construire les divers aménagements nécessaires, et aussi pour faire face au coût des importations de céréales. Faute de quoi, il convient d’envisager un recours encore plus important qu’aujourd’hui à l’aide alimentaire, ou de prendre le risque d’une détérioration majeure de la situation nutritionnelle des populations. »
Source: Monographie Niger