La guerre de 39-45, c'est environ 60 millions de morts dans le monde : des soldats, des résistants, des civils, la Shoah.
Ça, c'est la grande Histoire. Mais il y eut aussi la " petite " histoire, dont celle des enfants nés dans des Lebensborn, autre projet fou d'Hitler qui exterminait les enfants juifs pour faire émerger la race dite supérieure, avec des enfants conçus de pères allemands et de mères choisies pour leurs caractéristiques génétiques ( vues comme des collabos ). On en a guère parlé, de ces enfants dits de la honte car ils dérangeaient. Voilà des vies bousillées qui n'ont pas ému grand monde.
Retirés à leurs parents dont ils ne savent même pas qui ils étaient car on leur changeait leur nom, comment ceux qui ont survécu ont-ils vécu la haine, le rejet puis l'indifférence ?
Eux n'obtiendront jamais un quelconque pardon, parce qu'ils sont aussi considérés comme coupables puisqu'ils ils portent la monstruosité de leurs parents dans leurs gènes.
Pas de devoir de mémoire non plus : ils ne sont qu'un point de détail dans l'Histoire !
Entre 9 et 12.000 enfants seraient nés dans des Lebensborn allemands, norvégiens et même français ( le manoir de Lamorlaye dans l'Oise ). Près de 10.000 enfants aux caractéristiques physiques aryennes ont également été arrachés à leurs parents dans les territoires conquis par les Nazis pour être placés dans ces centres de germanisation.
Ce livre met en scène une femme, Hildegard Müller, 76 ans, aux souvenirs réduits à peau de chagrin, mais dont la douleur est toujours aussi vive.
Il est écrit avec des phrases qui se limitent à l'essentiel, sous forme de fragments, sans en rajouter pour faire pleurer dans les chaumières, juste pour dire durement, presque sans émotion, la vérité toute nue, sans fards, sans force détails et je pense que c'est justement cette sobriété qui fait toute la puissance du récit.
Qui empêche aussi que la lecture en devienne intolérable, bien qu'elle nous prenne quand-même aux tripes et au coeur. Il peut donc être lu par le plus grand nombre.
Ce roman est une fiction, mais fondée sur un important recueil de documents et d’analyses sur l'histoire vraie des lebensborn et des enfants qui en sortirent. Extraits pour donner une idée du contenu :
. " Proies faciles, les femmes n'en finissent jamais de payer les conflits initiés par les hommes ".
. " Je suis frappée par la similarité de nos destins, à Anne Frank et à moi. Comme elle, je suis une victime du Reich. Les Juifs obligés de se cacher et les enfants de SS qu'on cache ".
. " Mon héritage n'est qu'une dette, irremboursable, dont mes enfants continuent de payer les intérêts. La haine se transmet mieux que l'amour. La haine entre enfants de victimes et enfants de bourreaux est un héritage infernal".
. " La sélection de tous ces jeunes enfants qui devaient remplacer ceux qui s'étaient fait gazer. Dépeuplement, repeuplement. Je suis née de ce vase communicant, de cette vase communicante. je ne pouvais que m'enfoncer dans cette boue ".
. " Si les parents passaient la sélection, l'enfant pouvait tout de même être rejeté, à tout moment, être recalé plus tard, tout au long de l'enfance.Cela signifiait stérilisation, expérience médicale, euthanasie ".
. " A t-on le droit de mêler nos souvenirs, ou plutôt leur insupportable absence, à ceux des rescapés des camps de la mort ? "
. " Le passé est en train de renaître de toutes les cendres de la guerre. La haine s'infiltre dans toutes les démocraties...pendant la seconde guerre mondiale, les gens avaient perdu la tête. Aujourd'hui, ils ont perdu le coeur ".