Dans mon post sur le paradoxe de Hempel, la conversation a dérivé vers le sujet du problème de l’induction et de ses conséquences. Je vais résumer ici ce qu’est le problème de l’induction et comment quelques-uns des principaux mouvements philosophiques ont traité le sujet. J’évoquerai l’empirisme de Hume, le falsisficationnisme de Popper et enfin ma position personnelle (à la demande de Artelise et Mai Tai).
C’est quoi l’induction ?
L’induction est un mode de raisonnement qui consiste à remonter du cas particulier au général. Il est connu et utilisé dans tous les domaines qui cherchent à accéder à la connaissance, et surtout en science.
Dans la méthode scientifique, on le voit utilisé lorsqu’on essaye d’établir une loi universelle à partir de faits expérimentaux. Par exemple, un scientifique qui aura constaté que le Soleil se lève tous les jours depuis sa naissance induira que le Soleil se lèvera tous les jours.
Cependant, l’induction, contrairement à la déduction, n’est pas un raisonnement logique valable. Il est tout à fait possible que la conclusion d’un raisonnement inductif soit fausse, contrairement à un raisonnement déductif qui, lui, donne un résultat démontré vrai.
Exemples :
- Raisonnement déductif : « Tous les Hommes sont mortels. Or tous les Athéniens sont des Hommes. Donc tous les Athéniens sont des mortels. »
Cet exemple est valable. Si la prémisse (tous les Hommes sont mortels) est vraie, on pourra constater que tous les Athéniens que nous rencontrons sont mortels. Aucun contre-exemple n’est possible. - Raisonnement inductif : « Le Soleil se lève tous les jours depuis ma naissance. Donc le Soleil se lèvera tous les jours. »
Rien ne prouve que le Soleil se lèvera tous les jours. Jusqu’à présent aucun contre-exemple n’a été trouvé, mais l’absence de contre-exemple n’est pas preuve.
Un autre exemple de raisonnement inductif : « J’ai vu 1000 cygnes blancs, aucun noir. Donc tous les cygnes sont blancs. »
La conclusion est basée sur le même raisonnement que pour l’exemple du Soleil, cependant, dans ce cas, il existe des cygnes noirs, qui invalident donc cette conclusion. En utilisant le même raisonnement, on peut arriver à une conclusion vraie et à une conclusion fausse : on ne le sait pas tant qu’on ne tombe pas sur un contre-exemple.
L’induction n’est donc pas un mode de déduction logiquement valable (certain, comme la déduction). Il contient une part d’erreur possible. L’utiliser dans une méthode en le considérant comme vrai est donc une démarche de croyance (croire, c’est penser que quelque chose est vrai, sans avoir de preuve).
Bref, il est un fait qu’utiliser l’induction dans la méthode scientifique pose un réel problème philosophique. Car Certains aimeraient que la croyance n’intervienne pas dans la démarche scientifique.
Il est intéressant maintenant de montrer comment les plus grands scientifiques et philosophes ont traité ce fait (ce gloubi-boulga pour citer Mai-Tai , ou ce charlatanisme comme dirait Artelise avec tout le respect que méritent ces penseurs).
Induction dans la science :
Récapitulons la démarche scientifique.
- Observer les faits.
- Induire une loi Universelle
- Déduire de la loi universelle des prédictions
- Confronter ces prédictions à l’expérience
- La théorie reste valable tant que ses prédictions restent vérifiées. Elle est réfutée si ses prédictions sont contredites par l’expérience.
Mais même tant que la théorie n’est pas réfutée, elle est construite avec un raisonnement qui n’est pas fiable. L’induction, comme on l’a vu est une généralisation de cas particuliers. La théorie qui en découle « dit plus » que les faits qui ont permis de l’énoncer (c’est le principe !).
Une conséquence triviale de l’utilisation de l’induction est que pour une même série de faits expérimentaux, on peut induire plusieurs théories (une infinité, pour être précis) qui ne disent pourtant pas la même chose. Pour prendre un exemple historique :
On observe une charrette. Elle ne bouge pas, et ne se met pas à bouger toute seule. Si on la pousse, elle bouge un peu puis s'arrête. Si on la pousse plus fort, elle va un peu plus loin.
Description d'Aristote : la charrette est naturellement à l'arrêt. Quand on la pousse, c'est un mouvement contre-naturel. Le mouvement cesse dès qu'on arrête de pousser. Problème : elle continue d'avancer un peu après qu'on l'ait poussée. Explication d'Aristote : c'est l'air.
Description de Galilée. Quand on la pousse, elle continue de bouger. Imaginez que le sol soit plus lisse : elle irait plus loin. Imaginez que le sol soit parfaitement lisse : elle ne s'arrêterait jamais.
Les descriptions d'Aristote et de Galilée font appel à des possibilités qu'on n’observe jamais : pour Aristote, le mouvement dans le vide sur sol parfaitement lisse = « la charrette s'arrêterait », pour Galilée, le mouvement sur une surface parfaitement lisse et dans le vide = « la charrette continuerait ».
Ces deux théories sont induites par les mêmes faits expérimentaux mais sont différentes. On dit que la théorie est sous-déterminée par l’expérience.
L’utilisation de l’induction nous force à croire dans notre théorie, car d’autres sont possibles qui feraient d’autres prédictions.
Et alors, que faire ?
Un scientifique doit-il donc encore créer des théories ? Pas sûr dit Hume, puisqu’elles sont construites par induction, avec une part de non-fiabilité. Il faut y croire pour l’utiliser. Donc le mieux est de se limiter à l’accumulation de faits expérimentaux et d’éviter de créer des lois universelles. Cette solution est prudente mais est-ce encore de la science que de se priver de lois universelles ? (Il ne s’agit pas de privation complète, mais de bien prendre les lois universelles pour ce qu’elles sont, à savoir des hypothèses basées sur des croyances.)
Cette réponse dite empiriste ne satisfait pas grand monde. Parmi les alternatives, on peut citer Popper. Popper estime que l’induction n’est pas acceptable. Alors il prend un tournant majeur : Il affirme que les théories ne sont pas directement induites de l’expérience. Elles peuvent venir de l’imagination du scientifique, de sa culture, de la chance, de l’expérience personnelle et également de faits constatés (mais jamais uniquement). Une fois la théorie émise, le reste de la méthode scientifique décrite plus haut reste applicable : prédiction, vérification par l’expérience et falsification (ces concepts viennent même de lui).
La méthode scientifique ne serait alors pas basée sur les faits observés. C’est la conséquence quelque peu surprenante qu’il faut accepter pour se passer de l’induction. La plupart des scientifiques actuels sont de cette mouvance.
Pour ma part, je pense que Popper donne trop d’importance à la falsification (au fait qu’une théorie reste vraie tant que l’expérience ne l’a pas contredite, et devient fausse-réfutée lorsque l’expérience la contredit). En réalité, nombre de théories sont invalidées par l’expérience toute en restant en place, et considérées comme valables. Pour le dire autrement, toutes les théories scientifiques actuelles ont été contredites par l’expérience (sauf une, je vous laisse chercher). Pour autant, ces théories sont-elles considérées comme fausses ? Devraient-elles l’être ? Je pense que non. Je pense qu’en plus du pas fait par Popper en disant que ce qui génère une théorie scientifique c’est un peu tout, il faut aussi assumer qu’il n’existe pas de méthode scientifique, tout simplement. Pire, je pense qu’il n’existe pas de faits scientifiques absolus (mais c’est là un autre débat).
Merci pour votre lecture. Je n'ai pas la prétention d'avoir tout inventé, ceci est un simple résumé du gloubi-boulga qu'on trouve partout dès qu'on s'intéresse au charlatanisme à la philosophie des sciences.