Vous n'êtes pas sans savoir que la Cour Suprême des États-Unis a révoqué il y a quelques temps un arrêt qui protégeait l'avortement. Cette décision a fait beaucoup de bruit y compris de ce côté de l'Atlantique, et il y a d'ailleurs déjà eu beaucoup de messages à ce sujet sur le forum.
Si la décision a suscité énormément de colère du côté progressiste du pays, les américains conservateurs ont un peu de mal à célébrer leur victoire maintenant qu'ils doivent faire face aux conséquences.
Je veux partager une histoire dont on a très peu parlé ici, je n'ai d'ailleurs pas trouvé d'article francophone sur le sujet. Il y a quelques jours, des élus républicains ont dénoncé une fake news poussée par les démocrates pour soutenir l'avortement dans un effort évident de propagande.
L'histoire était la suivante: suite à un viol, une petite fille de 10 ans aurait été forcée à faire des centaines de kilomètres pour changer d'état et pouvoir bénéficier d'un avortement, ce qui était illégal dans son état de résidence.
Les sénateurs républicains se sont ouvertement moqués de cette tentative grossière d'influencer l'opinion publique avec un événement aussi sordide qui tomberait par hasard si proche de la décision de la Cour Suprême. Sauf que, et vous me voyiez venir, cette histoire était vraie.
Un article en anglais sur le sujet
En effet, un homme de 27 ans a été arrêté après avoir violé cette petite dans l'Ohio. Et quand la famille s'est rendue compte qu'elle était tombée enceinte à cause de ce violeur, ils ont étés voir leur médecin pour une IVG. Malheureusement, dans l'Ohio, l'avortement est interdit après 6 semaines de grossesse (!) et la pauvre enfant était enceinte de 6 semaines et 3 jours. Le médecin a donc immédiatement contacté une consoeur dans l'Indiana où l'avortement est légal jusqu'à 22 semaines pour qu'elle puisse faire la procédure.
Face à cette histoire, et après un nettoyage en panique des posts sur leurs réseaux sociaux, les républicains se sont retrouvés bien embêtés. Parce qu'il est difficile de se prétendre moralement supérieurs et "pour la vie", quand il s'agit de condamner une victime de viol de 10 ans à subir une grossesse qui pourrait lui être mortelle. Leurs réactions ont donc été dans tous les sens sauf le seul sens acceptable : reconnaitre l'importance de dépénaliser l'avortement.
Certains ont blâmé les médias, ou ont pointé du doigt que le violeur était un migrant. Certains sont restés dans un état de déni ("Je n'imaginais pas qu'un enfant de cet âge puisse tomber enceinte"). Pire, face à des questions un peu trop concrètes sur ce qu'il aurait fallu faire dans cette situation selon le parti républicain, une conservatrice a même déclaré ceci : au vu des circonstances, cela ne compte pas comme un avortement, et n'aurait donc pas été puni par la loi. (Ce qui est faux, il n'y a rien dans la loi qui différencie un avortement d'un autre).
Parce que leur position est indéfendable, ils le savent, mais ne peuvent pas reculer. Parce qu'il ne s'est jamais agit d'une question morale pour eux. C'est plutôt de l'intégrisme religieux.
Vous avez sans doute vu ce genre de carte listant les états qui se sont précipités pour bannir à nouveau l'avortement :
Ce qui me remplit de tristesse, c'est d'être tombé sur cette carte récemment :
Pour ceux qui ne parlent pas anglais, il s'agit de la carte du taux de grossesse chez les fillettes entre 10-14 ans aux USA. En vert, les états où le taux est plus élevé que la moyenne, en bleu où il est plus bas que la moyenne. Une zone se démarque particulièrement au sud du pays. En comparant cette carte avec celle juste au dessus, vous devriez avoir le même frisson d'horreur que j'ai eu quand j'ai remarqué que cette zone collait en grande partie avec une autre zone, une zone rouge des anti-avortement. Les "pro-vie" ne font que fermer les yeux sur leurs problèmes et en créer de nouveaux avec leur morale datant de 2 siècles. J'espère que l'Europe ne tombera pas dans ce travers.