Je suis un boomer, puisque né au début des années 60, je ne possède rien, ne détiens pas d'actions, ne vit pas de rentes locatives, et pour être assez mal logé dans un bled reculé, je fais partie des dégâts collatéraux de la spéculation immobilière (à quoi on doit la crise du logement).
J'aurais juste quelques remarques à faire concernant la génération à laquelle j'appartiens.
On n'est pas tous, loin s'en faut, des rentiers bedonnants qui se paient des croisières et des cures thermales sur le dos des jeunes générations. Il y a aussi parmi les boomers d'anciens prolos, d'ex-petits employés, chevilles ouvrières de la France des années 70/80/90, qui ont subi les premières réformes libérales précarisant le travail au gré des contrats jetables dans les rutilantes années 80 : mi-temps imposés, horaires coupés, CDD, jobs temporaires et j'en passe.
Autre aspect, et cela concerne les plus anciens, toujours sur le registre des classes laborieuses. Dans les années 60/70, disons jusqu'au début des années 80, le travail payait au regard du coût de la vie, on pouvait se loger correctement où on voulait, où on avait besoin d'habiter pour son taf et pour le confort de sa petite famille, sans devoir y laisser un bras. La bouffe, les bagnoles, les carburants, l'électricité, le gaz, la sape, restaient abordables, l'accès aux soins garanti. Ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui.
A quel moment ça a commencé à merder ? Après le fameux "tournant de la rigueur" de 83, avec son lot de dérégulations imposées par l'Europe technocratique à la botte des oligarchies. C'est là qu'on a vu apparaître le phénomène des "nouveaux pauvres" et, concommitants, les problèmes des banlieues, le boom de l'humanitaire et la montée du FN.
S'il y a eu un âge d'or dans les années 60/70 c'est pour ceux qui étaient déjà nantis, les fils-et-filles-de commerçants, patrons, familles aisées, gros propriétaires et autres héritiers de carrière, les couples des classes moyennes qui ont pu acheter un appart', une baraque quand l'immo était encore abordable, les manuels qui pouvaient se mettre à leur compte du temps où il n'y avait pas une bureaucratie et des normes et des charges écrasantes.
D'autres se sont contentés de bosser tant qu'ils l'ont pu là où ils le pouvaient, et crois-moi, ce ne sont pas ceux que tu vois l'été parader dans de superbes camping-cars !
Ensuite, on n'est pas tous réacs, xénophobes, obsédés par le sécuritaire et l'immigration, on n'est pas tous dans le "pauvre France" et le "c'était mieux avant". Je pense faire partie de ceux qui ont une vision objective et réfléchie sur les effets qui ont engendré les causes du malaise actuel, et pour côtoyer des milieux qui n'ont rien d'aisé, je suis loin de penser que les jeunes générations sont faites de glandeurs. Que les jeunes générations aspirent à une vie facile et tout confort, ça se comprend, c'est humain et c'est un dû pour tout un chacun, la Société nous le doit à tous, on n'est pas né pour en chier. Mais dès lors qu'on en chie un peu trop et qu'on est en nombre à en chier, il n'y a plus de société possible, et on en est là.
Alors oui, je suis pour la taxe Zucman et bien au-delà, vu ce que je vois autour de moi qui est la régression intolérable du pays où j'ai grandi et évolué, régression que l'on doit à un choix de société qui nous a été imposé, j'allais dire infligé, et ce depuis quarante ans. Et cela ne fait pas de moi un homme de gauche non plus. Parce que j'étais ado du temps où nous parvenaient les écrits des dissidents soviétiques. La solution n'est pas plus chez les fachos que chez les prétendus insoumis. Et je n'ai pas, en tant qu'individu, la prétention de la détenir.